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Aussi sûr qu’une photographie a la propriété de suspendre le temps et par la même de créer du souvenir, l’image de cinéma condamnée au mouvement y ajoute possiblement un surcroit de réalité. Ici et là, la vie est menacée puisque ce qui est saisi n’est déjà plus. La jeune héroïne d’A son image, nouveau long-métrage de Thierry de Peretti adapté du roman de Jérôme Ferrari, armée d’un appareil photo s’emploie à ne tenir compte que du présent refusant d’être « une trace de plus ». Sa mort accidentelle dès les premiers instants vient brutalement la placer dans ce résidu de réel à jamais figé. Son enterrement permet de réactiver par flash-backs, une vie brève mais intense. Antonia était une jeune fille des montagnes corses, amoureuse et indépendante, sans cesse rattrapée par les feux du nationalisme de l’île qui déployait un chaos autour d’elle. Devenir photographe c’était peut-être accepter d’être le témoin d’un engagement qui détruit tout. Antonia passe de la photographie de mariage au photoreportage de guerre, sans se satisfaire des artifices de la vérité. Thierry de Peretti creuse un même sillon depuis son formidable premier long-métrage, Les Apaches (2013) où se trouvait déjà questionné la notion d’appartenance (à une culture, un groupe, un espace, un genre...) induisant un flottement nerveux source d’implacables tensions. On se souvient peut-être aussi de Roschdy Zem au début de son Enquête sur un scandale d’état, invisible aux autres et à lui-même. « Désormais la mort est passée... », entend-on ici. Ce magnifique film aurait pu aussi s’appeler, chronique d’une disparition.