Quinzième d’une fratrie dont seuls trois autres ont survécu, Ahmed Tayeb El Alj est né le 9 septembre 1928 dans le Quartier des Khrachfiyine situé au cœur de la ville de Fès. Les toutes premières années de sa vie, à l’image de sa naissance même, seront mouvementées et atypiques à l’extrême.Son père, maître-artisan spécialisé dans la fabrication et vente de tissus en soie, fondait de grands espoirs sur lui, souhaitant le voir embrasser le même métier et reprendre, dans la foulée, le flambeau de l’affaire familiale. Le jeune garçon aura vite fait de le désillusionner ; travailler une matière aussi agréable que la soie ne le passionne guère.Intégrant, sous l’ordre de sa famille, une école coranique, il est choqué et scandalisé par la violence du maître et oppose un refus catégorique et entêté à toute tentative parentale de le pousser à reprendre sa place parmi ses camarades.Ayant lui-même saboté les premières chances qui se sont présentées à lui pour bâtir une carrière quelconque, le petit garçon devient alors un réel problème pour sa famille.En désespoir de cause, son père lui impose une « formation » au métier de menuisier auprès d’un voisin et ami de la famille. Miraculeusement, cette vocation-là trouvera grâce aux yeux du tout jeune El Alj. Il a alors sept ans.Il demeurera apprenti-menuisier durant encore six années, un record pour quelqu’un d’aussi instable et rebelle. En réalité, sa persévérance est due à la magnanimité et à la gentillesse de son patron qui, de plus, ne se montre aucunement avare de son savoir. Six années plus tard, à l’âge de 19 ans, le jeune homme tombe gravement malade ; il est atteint de pleurésie. À l’époque, le mal était mortel et les chances d’y survivre assez minces.S’ensuit alors un long et douloureux combat, tant physique que mental et moral, contre la maladie. El Alj est placé dans un sanatorium dont il ne bougera pas durant toute une année, et où il voit les autres patients s’éteindre les uns après les autres.Les soins qu’on lui consacre et le courage dont il fait alors preuve sont les causes principales de sa miraculeuse guérison. Le prix de ce rétablissement inespéré s’avèrera pourtant des plus chers à payer ; le patient doit abandonner définitivement le métier de menuisier et chercher, à vingt ans, une autre vocation moins fatale pour sa santé fragile.Le jeune homme se résigne alors à investir la boutique de son père où il vend, tous les matins, des légumes récoltés dans le verger familial. Gardant la même fonction, il change de spécialité l’après-midi pour devenir vendeur de journaux, une activité qui faute de le passionner a tout du moins le mérite de lui insuffler le goût de la lecture.À l’image de son jeune parcours, le déclic qui détermine sa carrière et sa vocation finale est aussi original que hasardeux. Une dispute. Un conflit avec des amis qui mènent l’un d’entre eux à traiter El Alj d’ « ignorant ». En dépit de son exactitude, l’insulte lui paraît alors insupportable et il s’emploie dès lors à y remédier. Il établit un système d’échange avec un jeune étudiant qui consiste à lui monnayer des livres contre des cours de lecture et d’écriture.Brillant, studieux et farouchement déterminé, il finit, au bout de quelques années, par maîtriser les mots au point de réussir à publier, en 1951, une multitude de textes dans des journaux locaux.C’est tout à fait par hasard qu’il intègre l’univers du théâtre. Assistant assidûment, en témoin fasciné, à des répétitions d’une troupe d’amateurs, il finit par décrocher un rôle mineur dans la pièce, le jour où l’un des comédiens manque à l’appel.Incarnant une servante qui répond au nom de Mabrouka, il excelle tellement dans sa performance comique que le metteur en scène en fait un rôle central dont El Alj rédige les répliques. Sa carrière est alors lancée et le comédien ne jouera, tout au long de son parcours, que des rôles de premier plan.Travaillant presque exclusivement avec la Troupe de la Maâmoura pour laquelle il produira plus de cent pièces, il réussit l’exploit d’adapter, dans le langage et le contexte marocain, de grands classiques de dramaturges tels que Molière.Parallèlement, il travaille pour la télévision en fournissant une douzaine de scénarios de feuilletons et s’improvise également parolier de chansons à succès pour les plus célèbres artistes de son époque.La Troupe de la Maâmoura est dissoute en 1975 et le dramaturge se lance dès lors dans une carrière d’instructeur où il devient le mentor et le formateur d’une génération entière de comédiens au sein de l'École de Théâtre de Rabat ainsi que celle de Casablanca.Un des pères fondateurs du théâtre marocain et autodidacte extrêmement fier de ses origines, ses racines et sa culture, Ahmed Tayeb El Alj pense que faire rire est l’art le plus difficile et délicat du monde du théâtre, estimant que « l’humour est le baromètre social », et déclare, encore aujourd’hui, être toujours aussi fasciné par sa ville natale Fès.
Nom de naissance | El Alj |
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Genre | Homme |
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