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"Le meilleur film néo-zélandais de tous les temps", selon Tarantino.

Tiens, voilà un candidat parfait pour une liste de "chefs-d’œuvre que vous n’avez pas vus"… Utu, à redécouvrir depuis mercredi dans une poignée de salles françaises, est une pépite qui s’était perdue dans les limbes du temps. Pourtant, le film avait existé puissamment au moment de sa sortie en 1983 : gros succès dans son pays d’origine (la Nouvelle-Zélande), motif de fierté pour la communauté Maori qui s’en était emparé comme un symbole identitaire, sélection officielle (hors compétition) à Cannes, adoubement par les starfixiens… Utu avait été aimé au point de mettre en orbite son auteur Geoff Murphy, qui obtint dans la foulée son passeport pour Hollywood (où il se perdit totalement, de Freejack à Fortress 2 en passant par Piège à grande vitesse, mais c’est une autre histoire). Complètement oublié depuis, diffusé tard le soir sur le câble kiwi dans des copies délavées, Utu a été restauré par Murphy, qui en a profité pour rafistoler son montage, couper quelques plans à droite à gauche, rétablir les séquences les plus violentes qui avait été censurées dans la version internationale de l’époque (la décapitation d’un prêtre dans une église), puis apposer sur le tout l’estampille "Redux", synonyme depuis la version longue d’Apocalypse Now de « gros truc culte à ne surtout pas louper". Ce Utu flambant neuf est donc prêt à vous faire écarquiller grand les yeux comme si on était en 83.

Energie hallucinée
De façon tout à fait logique, ce film qui contribua à mettre la Nouvelle-Zélande sur la carte du ciné mondial est l’histoire d’une révolte nationaliste. Le récit de la vengeance (utu) d’un rebelle Maori qui prend les armes après avoir découvert son village massacré par les colons blancs, en 1870. Le film retrace le périple épique, sanguinaire et bientôt mythologique de Te Wheke, ce guerrier au visage tatoué cherchant à soulever son peuple tout en faisant un maximum de dégâts sur son passage. Mais comme Utu n’est vraiment pas un film comme les autres, il entremêle à cette première strate narrative une autre histoire de vengeance, celle d’un fermier blanc adepte du shotgun à quadruple canon, fou de douleur depuis que sa femme a péri dans un assaut des Maoris. Utu fonce à toute allure, et témoigne de l’énergie hallucinée qui régnait alors aux Antipodes – le film a clairement été tourné dans le sillage de quelques inoubliables comètes australiennes, quelque part entre les visions primitives d’un Peter Weir et la folie turgescente des meilleures bobines Ozploitation. Mais c’est surtout aux westerns US seventies qu’on pense, en particulier au totem terminal Fureur Apache (Robert Aldrich, 1972), auquel Utu emprunte tout à la fois son anarchisme viscéral, cette façon d’empiler les scènes de façon apparemment chaotique pour mieux faire se confronter plusieurs philosophies, plusieurs visions du monde, ainsi qu’une conclusion violente et amère, mettant le spectateur face à sa mauvaise conscience. Au confluent de la rêverie panthéiste, de la série B teigneuse et de la fable politique affûtée, Utu est bel et bien le rêve de cinéma ressuscité qu’on espérait. Le meilleur film de la semaine ne fait vraiment pas ses 34 ans.

Utu Redux, de Geoff Murphy, actuellement en salles.

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