C’est votre sixième film avec Mike Leigh, mais vous n’aviez pas travaillé ensemble depuis All or Nothing en 2002. Ca vous manquait ?
Terriblement. Mike m’a sollicité quelques fois entre-temps mais je n’étais pas libre. Vous savez, c’est mon réalisateur de prédilection, il m’a offert mes meilleurs rôles. Il sait comment tirer le meilleur de moi. Nous avons la même approche du jeu, de l’art, le même sens de l’humour et du ridicule. Nous sommes très ouverts d’esprit tous les deux et sommes sensibles à la poésie.Comme Turner ?A une très modeste échelle… Turner est le plus grand peintre du Sublime, cet art consistant à faire coexister l’horreur et la beauté de la nature, combiné à la futilité de la condition humaine.
Mike Leigh a-t-il modifié sa méthode particulière de direction d’acteurs pour ce film ?
Non, c’est exactement la même chose : tout est basé sur la recherche autour des personnages et sur l’improvisation. La seule différence tenait à l’énorme somme d’informations sur Turner et sur son époque (le XIXe siècle) qu’il nous a fallu ingérer. J’ai lu au moins 25 bouquins et Mike m’a demandé d’apprendre à peindre pendant deux ans ! Ce gros travail de documentation et d’apprentissage, allié à nos séances d’improvisation, m’a permis de « tenir » le personnage à un moment donné. C’était comme une Épiphanie.
Le Turner qu’on voit dans le film est-il une sorte « d’invention » ?Oui et non. Turner était un homme mystérieux, renfermé et peu loquace, que ses contemporains ont eu du mal à cerner. À l’époque pré-victorienne, et au-delà, les gens parlaient peu, n’exprimaient par leurs sentiments. Ces désirs et ces pensées refoulés, nous les avons traduits par les borborygmes et les grommellements que fait mon personnage.
Votre performance est exceptionnelle. Savez-vous ce que vous direz si vous recevez le prix d’interprétation ?Non, je n’y pense pas, honnêtement. Je ne veux pas avoir de peine !
Interview Christophe Narbonne
Commentaires