Thunder Road Jim Cummings
Paname Distribution

Avec son premier film, Jim Cummings révèle un talent rare pour le tragi-comique décapant.

C’est une véritable odyssée de la lose, un déferlement d’emmerdes qui n’a rien envier au Livre de Job. Thunder Road raconte la dégringolade familiale, professionnelle et psychologique de Jimmy Arnaud, un policier texan respecté qui perd à peu près tout ce qu'il avait d'important, dans une atmosphère de cauchemar éveillé. Son chemin de croix débute logiquement à l’église. Lors d’une scène de funérailles assez inouïe – un plan séquence d’une dizaine de minutes calqué sur le court-métrage Thunder Road du même Jim Cummings, récompensé à Sundance en 2016 - le pauvre Jimmy tente de rendre hommage à sa mère décédée, dans une prolifération maladroite de mots et de pas de danse. Faut-il rire ou pleurer devant sa grotesque pantomime ? Toujours sur la brèche entre drame et burlesque, le film va faire de cette hésitation sa nature profonde, son combustible tragi-comique. Cummings incarne lui-même ce flic en roue libre et ce n’est pas anodin : son jeu d’acteur débutant sonne à moitié faux, son regard se faisant étrangement rieur dans les scènes dramatiques et mélancolique quand tout porte à sourire.

Fouillis mental

Il dissone, en somme, donnant ainsi le la fêlé d’une enfilade de séquences aussi drôles que malaisantes, souvent les deux en même temps, à l’instar de cet anti-héros volontiers irritant. Jimmy Arnaud parle en permanence, comme si son surmoi auto-censeur s’était mis en veille, toutes ses pensées s'exprimant dès lors sans filtre, à la manière surréaliste d’une écriture automatique. Une logorrhée compulsive qui le dessert lourdement : devant un tribunal pour la garde de son enfant, par exemple, le juge prend ses justifications pour des menaces. Étourderies, lapsus, mais aussi actes manqués : le corps de Jimmy Arnaud est un roi de l’impro, capable de pointer un flingue sur ses collègues sans même que son cerveau n’ait validé l’information. Tout cela serait uniquement pathétique si Cummings ne nous connectait pas directement avec le fouillis mental du héros endeuillé. L’alternance de plans étirés et d’habiles ellipses nous fait partager puis ressentir sa lucidité sporadique. Et son vacillement intérieur de devenir le nôtre, entre accablement et résilience, sur le fil du rasoir.

 

Sortie le 12 septembre 2018


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