Quand on l’avait rencontré en décembre pour parler de Bac Nord (à découvrir à la réouverture des salles), Cédric Jimenez avait évoqué son troisième film, diffusé ce soir sur France 2
HHhH est à la fois votre troisième long métrage et le premier que vous avez tourné en anglais. Comment est né ce projet ?
Cédric Jimenez : Tout part d’Alain Goldman. Il m’avait appelé deux jours après la sortie de mon premier film, Aux yeux de tous, pour me demander si j’avais des projets et envie de faire un film sur Marseille. C’est de cette discussion qu’est née La French. Un film quitte ou double pour moi. Avec 18 millions d’euros de budget dès mon deuxième long métrage, je sais que si je me plante tout s’arrêtera là pour moi. Heureusement, le film obtient des résultats plus que satisfaisants. Et surtout, il connaît un joli succès d’estime aux Etats- Unis. Or il se trouve qu’avant de faire du cinéma, j’ai passé plusieurs années à New- York à travailler comme mannequin. Je parle donc bien anglais et on me propose pas mal de projets à réaliser. Notamment Comancheria (que mettra en scène David Mackenzie), un scénario vraiment extraordinaire de Taylor Sheridan qui était entièrement financé et prêt à tourner
Pourquoi déclinez- vous cette proposition ?
Parce que tout s’était vraiment très bien passé avec Alain qui m’avait tendu la main à un moment important pour moi. Mais aussi parce qu’Alain est très connecté avec les Etats- Unis donc je savais que je pourrais faire un film en langue anglaise avec lui. Or il se trouve qu’il avait les droits du HHhH de Laurent Binet que j’avais adoré. Tout s’est alors fait très vite car on entre en prépa deux mois après la sortie de La French. Je sais que je m’attaque encore à un défi : on ne peut comparer l’Holocauste avec une autre période de l’histoire. J’en écris le scénario – comme Aux yeux de tous et La French – avec Audrey Diwan mais aussi David Farr qui est alors à la tête de la Royal Shakespeare Company. Et je suis heureux d’aborder mon premier film en langue anglais avec un projet qui émane de moi. On a 74 jours de tournage et je m’éclate. Je me sens une fois encore comme un poisson dans l’eau sur ce plateau avec en plus des comédiens incroyables à diriger, comme Rosamund Pike. C’est pour la suite qu’on va rencontrer plus de difficultés
Pour quelles raisons ?
Car on avait Harvey Weinstein parmi les partenaires financiers du film. Au- delà de la difficulté de travailler avec lui qui était réelle, son affaire a éclaté au moment où HHhH s’apprêtait à arriver en salles. La sortie n’a dès lors pas cessé d’être repoussée pour finalement avoir lieu plus d’un an après la fin du tournage. La dynamique qui était la mienne depuis quelques années était cassée. Moi, je n’ai jamais moins de pression que sur un plateau. Je pourrais enchaîner les films sans m’arrêter. Mais là, c’était compliqué de passer à autre chose tant que l’aventure HHhH n’était pas terminée. C’est une période que j’ai mal vécue d’autant plus que le film ne va pas marcher très bien. Je suis déstabilisé
Comment allez- vous rebondir ?
Dans un premier temps, je reste à Los Angeles et je me remets à écrire pour les Américains qui ont toujours envie de bosser avec moi. Un projet pour Mark Wahlberg et un autre avec le producteur de Sicario. Mais tout est très long, très compliqué. Je gagne ma vie donc je n’ai pas à me plaindre mais je ne tourne pas et ça me frustre. C’est à ce moment- là que le producteur Hugo Sélignac – qui est aussi mon ami – me demande pourquoi je ne reviens pas en France et si j’ai un projet en tête. C’est là que je lui parle pour la première fois de Bac Nord et que l’aventure de mon quatrième long métrage commence.
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