Co- fondatrice du festival d’Angoulême, Marie- France Brière a signé une enquête passionnante en mode Columbo sur un aspect méconnu de l’histoire de Big Apple, diffusée ce 24 décembre à 18h sur Public Sénat.
Votre documentaire revient sur un épisode méconnu de l’histoire de France et des Etats- Unis. En 1524, à la recherche d’un raccourci pour la Route des Indes, le navigateur Verrazzano fut le premier à découvrir le site de New York qu´il décida alors de baptiser Angoulême en l´honneur de son roi François Ier, comte d´Angoulême. Comment avez-vous entendu parler de cette histoire ?
Marie- France Brière : Tout à fait par hasard. Voilà plus de 10 ans, alors qu’on travaillait à la création du festival d’Angoulême avec Dominique Besnehard, je suis allé à la Bibliothèque Sainte Geneviève à la recherche d’ouvrages qui pourrait nous y aider. Et là, en fouillant dans les rayons, je suis tombée sur la traduction française d’une thèse américaine qui racontait donc comment - avant qu’elle ne soit rebaptisée Nouvelle- Amsterdam au 17ème siècle - le premier nom de New- York avait été Angoulême. Je n’avais jamais entendu parler de cette histoire mais je trouvais la coïncidence amusante alors que nous nous apprêtions à lancer ce festival. Par la suite, le festival m’a pas mal accaparée mais quelques années plus tard, j’ai voulu creuser le sujet et je suis donc allée aux Archives municipales d’Angoulême à la recherche de nouveaux éléments. Je n’y ai rien trouvé de particulier mais j’ai rencontré son directeur, Florent Gaillard, qui, plus tard, est devenu le fil rouge de mon documentaire. Celui qui mène l’enquête et prend la main du spectateur. Un Columbo angoumoisin.
Vous avez tout de suite pensé à lui dans ce rôle ?
Non. Car l’ancienne patronne des divertissements télé que je suis (elle a notamment créé Dimanche Martin, le Collaro Show, Ambitions avec Bernard Tapie et produit Fort Boyard) a gardé un côté paillettes (rires) ! J’ai donc d’abord proposé à François- Xavier Demaison qui avait été trader à New- York de tenir ce rôle. Mais en parlant de mon projet à Thierry Ardisson, il m’a tout de suite déconseillé de prendre quelqu’un qui ne soit pas historien, que ce pourrait être un nid à soucis sinon. Alors, je suis retourné aux Archives municipales d’Angoulême pour échanger avec Florent Gaillard et c’est là que je me suis rendu compte qu’il avait quelque chose. Je lui ai fait faire des essais qui ont été concluants. Cette incarnation était importante car je voulais construire ce documentaire comme une enquête avec ses trouvailles et ses fausses pistes.
Comment précisément avez-vous scénarisé ce documentaire ?
Par de nombreux aller- retour à New- York pour des repérages et des rencontres avec celles et ceux qui allaient à la fois apporter leurs éclairages devant la caméra et nous ouvrir les portes de lieux fermés au public. C’est la première fois par exemple que la Morgan Library (lieu fondé en 1906 - par son fils - en hommage à John Pierpont Morgan, le banquier new- yorkais qui avait racheté le fameux carnet de bord de Verrazzano avant de le restaurer et de l’exposer dans sa bibliothèque privée) accepte une caméra en son sein. Et j’ai heureusement pu compter sur des soutiens sur place. Car la petite Frenchie que je suis n’aurait jamais eu accès à tout cela sinon. Au final, ces repérages m’ont permis de construire mon histoire que rien n’est venu modifier pendant le tournage. Tout écrit en amont et a été respecté à la règle.
Qu’est ce qui a été le plus complexe pour vous lors de ce tournage ?
Toute la partie new- yorkaise. J’avais décidé de commencer le tournage là- bas, à la fois parce qu’il y avait plus de choses à filmer mais aussi pour sortir Florent Gaillard de sa zone de confort d’Angoulême où il connaît tout et tout le monde. L’équipe américaine était très efficace mais elle filmait… à l’américaine en oubliant par exemple qu’un Français qui débarque à New- York a toujours tendance à regarder vers le haut et les grattes- ciel et non en face de lui. Je crois qu’ils m’ont un peu prise pour une ringarde mais j’ai réussi à faire valoir mon point de vue. Et ils ont compris ce que je voulais : une sorte de match entre Angoulême à la beauté endormie et New- York, la ville qui ne dort jamais
Est-ce qu’un projet sur un fait historique pratiquement connu de personne est simple à financer ?
Au départ les soutiens ont été rares. Seul le département de la Charente m’a accompagné. Et une fois terminé, je n’ai jamais pu convaincre France 3 de le diffuser sur son réseau national. Ils m’expliquaient que c’était trop clivant ! Ce qui me semble vraiment absurde au regard de leur mission de service public. Mais qu’importe ! On a été diffusé sur France 3 Nouvelle Aquitaine et on a réuni un million et demi de téléspectateurs, un score que je n’aurais jamais atteint en national. Donc au final, on a été gagnants. Et évidemment encore plus grâce à la Chaîne Public Sénat qui a décidé de le programmer plusieurs fois pendant les fêtes. Et puis, j’ai été très sensible à l’accueil enthousiaste que Et si New- York s’appelait Angoulême a reçu en ouverture de la French Cinema Week à New- York en novembre dernier, le premier prolongement outre- Atlantique de notre festival d’Angoulême. Ce fut moi un moment formidablement émouvant à vivre.
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