Le réalisateur de Do the right thing fait son retour en compétition.
Ça fait 27 ans que le Festival de Cannes n’avait pas projeté "A Spike Lee Joint". Depuis Jungle Fever en 1991, très précisément. Qui a réussi à suivre le fil de la carrière de Mr Lee depuis ? Succès (Inside Man), bides (Miracle à Santa-Anna), chefs-d’œuvre (La 25ème heure), films pas sortis ici (Chi-Raq), séries Netflix, docus sur Michael Jackson… Sa filmo est partie dans tous les sens et n’a jamais retrouvé la cohérence et la pugnacité des années Do the right thing / Malcolm X. La sélection en compétition de BlacKkKlansman semblait donc signifier un sérieux retour aux affaires. De fait, le film, qui s’ouvre avec un extrait d’Autant en emporte le vent et se conclut sur les images des rassemblements racistes de Charlottesville, puis a été accompagné en conférence de presse par une violente charge anti-Trump de son réalisateur, affirme clairement que Spike Lee entend toujours secouer les consciences. Même si la forme choisie, étonnamment, est celle d’un thriller 70’s cool et relax, qui a beaucoup fait marrer les festivaliers.
BlacKkKlansman raconte l’histoire incroyable mais vrai d’un flic noir du Colorado (John David Washington, fils de Denzel) qui avait réussi à infiltrer les rangs du Ku Klux Klan à la fin des années 70. Ron Stallworth opérait par téléphone et envoyait un de ses collègues blancs (Adam Driver) le « représenter » quand il s’agissait de rencontrer les membres du Klan en chair et os. Ça paraît totalement invraisemblable et, de fait, Lee n’arrive jamais à nous faire croire que ce qu’on voit sur l’écran est réellement arrivé. Peut-être à cause des constantes ruptures de ton qui rythment le film et lui donne cette forme chaotique, heurtée. Mais c'est aussi ça, paradoxalement, qui fait son charme bizarre, un peu malade. BlacKkKlansman est tout à la fois un polar avec flic undercover, une comédie campagnarde, une réflexion sur l’histoire afro-américaine, un brûlot anti alt-right, une dissertation méta sur la place des Noirs dans le cinéma US (de Autant en emporte le vent à la blaxploitation en passant par l’apparition de Harry Belafonte)… Sans doute un peu trop pour un seul film. Celui-ci s’achève sur des images glaçantes de Charlottesville (les événements ont eu lieu après le tournage) : un couperet final en décalage total avec le ton très laid-back du film, et qui prouve que si Spike Lee n’est pas toujours un cinéaste très cohérent, il n’a jamais abandonné le combat. Fight the power, ad lib.
BlacKkKlansman, de Spike Lee, en compétition. Sortie le 22 août.
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