Une exploration passionnante du conflit nord-irlandais, à travers l'histoire vraie de deux sœurs qui vont s'engager dans l'IRA pour libérer Belfast de l'occupant anglais.
"Si j'avais grandi dans les docklands de Belfast, Soldat d'une foi, d'une caste..." Il y a 35 ans, le Britannique Michael Jones chantait (au sein du trio Fredericks, Goldman, Jones) la difficulté de choisir la paix. Et aujourd'hui, la nouvelle série Ne dis Rien - qui arrive en France sur Disney Plus - chronique de manière saisissante le conflit nord-irlandais et les drames qui l'ont accompagné. Ou l'Histoire de la petite île au trèfle, narrée à travers le parcours atypique de deux sœurs ayant réellement existé.
Doulours et Marian Price sont les filles d'un membre notoire de l'IRA. Au grand dam de leur géniteur, elles refusent la violence et préfèrent crier pacifiquement leur colère contre l'envahisseur anglais, qui pratique une forme de ségrégation en Irlande du Nord. Mais alors que les manifestants catholiques sont pris pour cible par la partie anglicane de la population, caillassés jusqu'au sang sous le regard permissif des autorités, Dolours et Marian basculent. Elles comprennent que la voix de la raison ne se fera jamais entendre et se décident à prendre les armes pour rejoindre l'insurrection qui mettra Belfast à feu et à sang durant les années 1970 et 1980.
Depuis le point de vue de l'IRA, Ne dis Rien décrit avec passion et précision « The Troubles », une époque pas si lointaine où la guerre civile faisait rage au cœur du Royaume de sa majesté. Une époque où les militaires britanniques pratiquaient torture et répression sur leur propre population. Une représentation qui n'a pas manqué de faire réagir outre-Manche, certains journaux reprochant à la série de transformer les terroristes de l'IRA en héros romantiques ou en "beatniks cool et sympathiques". Le portrait du leader nationaliste Gerry Adams "présenté comme une rock star sexy" (selon le Times) a notamment fait polémique. Mais ce serait résumer la série à ce qu'elle n'est pas. Au contraire. Ne dis Rien ne prend la défense de personne, ni d'un camp ni de l'autre.
L'adaptation du roman de Patrick Radden Keefe - un journaliste américain - traite le conflit comme le drame déchirant qu'il a été, avec ses trahisons, ses deuils et ses accès de violence. L'histoire débute d'ailleurs par la disparition bouleversante de Jean McConville, mère célibataire de 10 enfants, enlevée et assassinée par l'Armée républicaine irlandaise en 1972, à Belfast, parce qu'elle ne soutenait pas assez "la cause", comprenez la réunification des deux Irlande (coupée en deux depuis 1921). Sans faire de raccourcis, Ne dis Rien montre toutes les facettes de cette guerre culturelle et religieuse sans jamais perdre les spectateurs ignorants que nous sommes. Parce que l'écriture réussit habilement à manier les genres, racontant d'abord l'Histoire de l'Irlande à travers l'euphorie juvénile de ces deux sœurs très engagées, avant de basculer vers le thriller noir puis la fable politique déboussolante. Qui sont les victimes ? Qui sont les bourreaux ? La série reste sur un fil, sans jamais banaliser la souffrance causée par les uns ou absoudre la complicité des autres. Au bout du compte, il faut voir Ne dis Rien comme une histoire de résistance, de celles qui questionnent inlassablement les limites morales de chacun.
Ne dis Rien, en 9 épisodes, à voir sur Disney Plus le 11 décembre 2024.
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