Le réalisateur de Irréversible et Climax revenait sur la Croisette avec un moyen métrage réjouissant.
En ouvrant la projection de Lux Aeterna dans l’immense Grand Théâtre Lumière de Cannes, le délégué Thierry Frémaux a fait le portrait du trio de tête du film en mode scandale cannois : Béatrice Dalle, c’est Trouble Every Day, le cannibalisme version Claire Denis qui a causé des remous en 2001 ; Charlotte Gainsbourg c’est Antichrist de Lars Von Trier ; et enfin Gaspar Noé c’est Irréversible et son public qui vomit, "la séance de minuit parfaite", Frémaux dixit. Résultat, la salle chauffée à blanc a fait un triomphe à Lux Aeterna., moyen métrage -50 minutes bien tassées- qui est un précipité des obsessions du réalisateur de Enter the Void, Love et Climax. Lux Aeterna s’ouvre donc sur une citation de Dostoïevski sur l’épilepsie, puis enchaîne avec un long montage d’extraits de La Sorcellerie à travers les âges (1922) de Benjamin Christensen (séminal film muet sur la chasse aux sorcières et ses fantasmes) et Jour de colère (1943) de Carl Dreyer, le tout entrecoupé de citations des cinéastes favoris de Gaspar (et seulement appelés par leurs prénoms, "Jean-Luc", "Rainer W.", etc). La routine menace Noé ?
Et puis boum, le film commence à raconter quelque chose avec le dialogue de Béatrice Dalle et Charlotte Gainsbourg (dans leurs propres rôles) au coin du feu, attendant que le plateau soit prêt pour un tournage : le tournage d’un film sur la sorcellerie, La Voie de Dieu, tourné par Dalle avec Charlotte au bûcher. Ce tunnel de dialogue révèle une Béatrice Dalle géniale et hilarante, qui slamme des anecdotes punk comme une Serge le Mytho revenue des enfers. C’est presque dommage de quitter le duo d’actrices quand elles doivent se lever pour aller tourner -on passe alors au cœur du film, qui nous plonge en split screen et en longs plans-séquences dans les coulisses de la scène de bûcher, et tout va dégénérer. Quelque part entre Timecode de Mike Figgis -mais alors en mille fois plus dingue et cinégénique avec ses sauts de format et sa pellicule abrasive- et un épisode de Dix pour cent tourné dans un sabbat de sorcières, Lux Aeterna est très clairement le moins choquant des films de Noé. Il y a un propos frontal sur la sexualité, la sorcellerie et la violence du partriarcat et le film s’achève sur un infernal stroboscope multicolore très clairement conçu pour déclencher des crises d’épilepsie dans son public. Mais c’est (curieusement ? heureusement ?) extrêmement soft de la part d’un cinéaste qui conçoit un film comme un électrochoc dément "et fier de l’être", pour reprendre le générique de Climax. Dans les bonus du DVD de Climax, Noé, dans une conversation avec Jan Kounen, disait que Climax était son "worst of" et qu’il avait hâte de passer à autre chose : Lux Aeterna n’est peut-être pas cet "autre chose" attendu mais c’est quand même sacrément réjouissant. Fiers d’avoir Gaspar.
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