Avatar
Lightstorm Entertainment / 20th Century Studios

Lorsqu’il réalise Avatar, James Cameron n’a rien tourné depuis Titanic. Mais il n’est pas resté inactif pour autant. Il a exploité le travail commencé sur Titanic en mettant au point des sous-marins adaptés aux grandes profondeurs pour aller explorer l’épave du vrai bateau, tout en cherchant des systèmes pour tourner en 3D dans des conditions adaptées à l’industrie contemporaine. En même temps, il a préparé Avatar sans relâche. Sa première version aurait nécessité un budget de 400 millions de dollars. En attendant une baisse des coûts des effets numériques, il avait eu le temps de travailler un scénario à l’épreuve des ratés.

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Dans ce domaine, tous ses choix sont bons, depuis l’intrigue qui garantit de captiver le spectateur, jusqu’à la conception des personnages non humains : il a su les rendre à la fois vivants, crédibles et non repoussants (ça a a l’air évident, mais en d’autres mains moins sages et moins habiles, l’utilisation de la motion capture peut générer des monstres involontaires). On ne va pas revenir sur le film, un exemple singulier de réussite totale. Ce qui est plus discutable, ce sont les répercussions du projet incroyablement ambitieux de Cameron, qui s’est servi de son film pour modifier l’industrie tout entière.

 

Pour imposer la 3D, il avait calculé qu’il fallait pousser la chaîne d’exploitation à adopter la projection numérique. Ou au moins, à considérablement accélérer une mutation déjà entamée, mais trop lentement à son goût. Il a réussi, et on peut lui en accorder le crédit en partie, mais cette victoire est à double tranchant. Si le passage au numérique doit être considéré comme une étape irréversible, elle n’est pas sans effets pervers et l’intention d’imposer la 3D comme standard universel du cinéma en salles est beaucoup plus discutable. Son intérêt est purement financier. La 3D ne sert qu’à remplir les poches des industriels en faisant payer au public un supplément pour un avantage finalement douteux. Artistiquement, l’avantage de la 3D est quasi nul. Jusqu’à présent, seuls trois films sont indiscutablement meilleurs en 3D qu’en 2D : Avatar, L'Odyssée de Pi, et Gravity. Pour tous les autres, la 3D et ses lunettes pesantes représentent au pire un inconvénient, au mieux un accessoire. 

Un des effets les plus spectaculaires de la numérisation accélérée vient de la Chine, qui partait de quasiment rien au début du millénaire et s’est équipée à un rythme exponentiel. L’année d’Avatar (2009), le nombre de salles était de 4700. En l’espace de 5 ans, ce chiffre a quintuplé, passant à 23 600. Les conséquences sont énormes. L’émergence du public chinois a complètement modifié les résultats du box office mondial : aujourd’hui, un film comme Jurassic World a réalisé 1/5 de ses recettes rien que sur le marché chinois, ce qui était impensable il y a encore dix ans. La mauvaise nouvelle, c’est que cette situation inédite encourage les studios à investir encore plus d’argent pour satisfaire la seule demande des exploitants, celle-ci étant limitée à des blockbusters nivelés par le bas. Le public n’a plus de choix. Malheureusement, ce modèle est en train de devenir le modèle mondial. Merci Avatar.

Gérard Delorme

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