Ça raconte quoi ? L’histoire d’amour, dans un Los Angeles futuriste, entre un écrivain au cœur brisé et un programme informatique conçu pour s’adapter à la personnalité de son utilisateur. Une rom-com dépressive dont l’un des protagonistes est un ordinateur ? Imaginez la rencontre entre Annie Hall et 2001, l’odyssée de l’espace. C’est avec qui ? Un Joaquin Phoenix moustachu, plein de super actrices (Amy Adams, Rooney Mara, Olivia Wilde), et la voix fantasmatique de Scarlett Johansson dans le rôle de l’intelligence artificielle. Nominations : Cinq. Meilleur film, meilleur scénario original, meilleur « production design », meilleure bande originale (signée Owen Pallett et Win Butler, leader d’Arcade Fire), meilleure chanson (« To the moon », écrite par Karen O et Spike Jonze, une comptine mimi tout plein que Phoenix chante au ukulélé dans le film). Un record pour un film de Spike Jonze, qui plafonnait jusqu’à présent à 4 nominations (pour Adaptation, en 2003). Pourquoi il faut le voir ? Parce que c’est le nouveau défi de Spike Jonze, petit génie ne carburant qu’aux paris de cinéma insensés. Emouvoir aux larmes avec l’histoire d’un homme qui fait les yeux doux (puis l’amour !) à son smartphone ? Rendre tangible, presque palpable, une pure présence virtuelle ? Filmer l’invisible ? Sur le papier, on est d’accord, rien de tout ça ne devrait marcher. Et pourtant… Ça repart avec quoi ? Trop branché, trop indé, trop looké, Her, dans la compétition pour l’Oscar du meilleur film, ne fait pas vraiment le poids face au triumvirat des champions American Bluff, Gravity et 12 Years a Slave. Sa simple présence dans la liste des finalistes est déjà une manière de dire que Jonze a gagné son pari (tant mieux pour lui, il avait bavé des ronds de chapeau sur son précédent long, Max et les Maximonstres). On aurait bien décerné un prix aux production designers (le Los Angeles semi-irréel du film, inspirée de Shangaï, où les piétons surplombent les routes et où le métro débouche sur le Pacifique, est fascinante), mais font-ils le poids face à Gravity ? En revanche, Spike Jonze a toutes ses chances pour l’Oscar du scénario - il a remporté le Golden Globe le mois dernier dans cette catégorie-là. Her a beau être innervé avant tout par de vrais et grands défis de mise en scène, il est aussi porté par un script fabuleux, le premier écrit par Jonze intégralement en solo, qui reprend à son compte un thème phare de la SF (le rapport de l’homme à l’intelligence artificielle) pour le transformer en traité ultra-contemporain et ultra-pertinent sur les passions humaines de notre début de millénaire. Beau comme du Charlie Kaufman (l’auteur des deux premiers films de Jonze), débarrassé des effets de manche méta. A moins que American Bluff ne fasse une totale razzia dimanche soir, Spike Jonze devrait donc quand même savourer son Her de gloire.
Frédéric Foubert
Quelles sont les chances de Gravity ?Quelles sont les chances de Philomena ?Quelles sont les chances du Loup de Wall Street ?Quelles sont les chances de Nebraska ?Quelles sont les chances d'American Bluff ?
Commentaires