Toutes les critiques de Curiosa

Les critiques de Première

  1. Première
    par Christophe Narbonne

    En art, le terme « curiosa » désigne une représentation, écrite ou visuelle, érotique, voire pornographique. L’écrivain Pierre Louÿs (1870-1925), érotomane convaincu, en était adepte et réalisa notamment des photos de ce type. Certaines d’entre elles mirent en scène sa maîtresse, Marie de Régnier, fille du poète José-Maria de Heredia, avec laquelle Louÿs noua une passion dont Lou Jeunet fait le cœur battant de son premier film de cinéma, une ode à l’amour fou et à l’art comme source d’aliénation et de manipulation. Femme de lettres, libre penseuse et libertine, Marie de Régnier (1875-1963) est la véritable héroïne de ce Curiosa qui la montre tour à tour épanouie, blessée, victime puis maîtresse d’un destin marqué par une émancipation à la Colette – elle signa son premier livre, L’Inconstante, sous le pseudonyme de Gérard d’Houville. Noémie Merlant, dans son plus beau rôle depuis Le ciel attendra, lui prête sa beauté fragile et n’hésite pas à tomber le haut et le bas devant la caméra sensuelle de Lou Jeunet, qui, c’est assez rare pour être signalé dans un premier film français, est dans une recherche plastique constante. Jeu sur les cadres, les textures (de la peau, des étoffes, du mobilier...), le son, tout y passe, quitte à parfois tomber dans une préciosité à la Terence Davies (Chez les heureux du monde). On ne se plaindra pas de cette envie d’images et de beau qui fait cruellement défaut au cinéma hexagonal.