Adieu les cons
Gaumont

Le réalisateur est en couverture du nouveau numéro de Première.

Avec l'annonce du couvre-feu à 21h dans plusieurs grandes villes de France, beaucoup redoutaient que la sortie d'Adieu les cons, d'Albert Dupontel, soit repoussée, mais Gaumont a confirmé ce lundi que ce film porté par le réalisateur en duo avec Virginie Efira serait bien dans les salles ce mercredi, le 21 octobre. Son créateur est en couverture du nouveau numéro de Première, et il revient sur la fabrication de cette nouvelle réussite après Bernie, 9 mois ferme ou Au revoir là-haut. Un coup de coeur pour la rédaction : "Dupontel construit surtout une œuvre de plus en plus conséquente célébrant à sa manière – empathique et bien secouée –, cousine de celle du duo Délépine- Kervern, les accidentés de la vie, les marginalisés par une société trop cynique pour eux."

Adieu les cons : Dupontel au top [Critique]

Voici un extrait du long entretien au coeur du n°511 de Première, où il est justement question de l'aspect social et politique du film.

Première : Depuis le temps, les gens savent ce qu’aller voir un film de Dupontel signifie, il y a comme un cahier des charges sur lequel ils peuvent compter.
Albert Dupontel : Non, dire cela, c’est me prêter une intention de séduction dans laquelle je ne me reconnais pas du tout. J’ai l’impression que vous cherchez à me définir socialement, vous parlez d’« auteur », d’« artisan », vous suggérez que je suis parvenu à un dosage qui fait que les gens vont bien vouloir me « consommer », mais tout ça est très inconscient. Il est sans doute normal que vous ayez ces grilles dans la tête, ces espèces d’organigrammes, les faiseurs, les auteurs, les commandes, le public... mais celui que je n’ai pas envie de décevoir, c’est moi-même. Et je ne vous cache pas que je me suis déçu des tas de fois... J’ai des critères éthiques d’expression et j’essaie – je dis bien j’essaie, car je suis loin de prétendre que j’y arrive – de les restituer dans mon propos. Vous comprenez ?

Il s’agit donc bien de prendre la parole ? Vous citiez Ken Loach, qui a dit maintes fois que le cinéma ne l’intéresse plus, tout ce qui compte pour lui, c’est son propos. Vous, le cinéma vous intéresse encore. Mais vous en assumez la dimension politique?
Si parler des gens et de leur souffrance dans un monde très égoïste et très agressif, c’est faire de la politique, alors oui, j’en fais. Je vous renvoie à Chaplin, le plus grand cinéaste politique qu’il y ait jamais eu... Ou à Simenon, un écrivain que j’adore, et qui parlait des petites gens, face à un monde qui n’a pas été créé pour eux mais par et pour les dominants. Maintenant, si être « politique », c’est être politisé, alors non. Je n’ai jamais voté, je ne me reconnais pas dans la distinction droite/gauche, j’admire autant De Gaulle que Clemenceau, j’adore Hugo, un écrivain qui est passé d’un bout du spectre à l’autre pour finir à l’extrême gauche. Parler des petites gens, ça peut passer pour un discours de gauche, mais ça ne l’est pas, du moins pas au sens où moi je l’entends. La compassion pour le genre humain, j’en déborde, à commencer par celle que je me verse à moi-même. Mais la conscience, ça doit tout englober. Même les flics, à la fin du film, je les comprends. Ils sont pris dans un engrenage improbable qui broie l’individu.

Là-dessus, j’ai du mal à vous croire, vu le traitement de gros bras bas du front que vous leur réservez.
Non, non, ce n’est pas vrai. D’abord on s’est renseigné, quand un cadre pète un câble, le RAID envoie vraiment des gars comme ceux-là pour le récupérer, une sorte de police de l’ombre, plus qu’une police officielle. Et puis moi, quand des manifestants se battent avec des CRS, ce que je vois, ce sont des pauvres qui se battent avec d’autres pauvres pour protéger un système beaucoup plus puissant. La plupart de ces types préféreraient faire un autre métier, j’en suis convaincu, mais ils ont eux aussi des enfants à nourrir, donc ils font ce pour quoi ils ont été formés. Étudiant, je me suis fait tabasser par un CRS pendant une manif. Il me disait « petit con, quand on a la chance de faire des études... » en me balançant ses coups de matraque ! Alors comme on est en plein débat sur les violences policières, mon film deviendrait un commentaire là- dessus ? Non, je l’ai écrit il y a deux ans. Bien avant les flash-balls ou les gilets jaunes. Je ne pouvais pas imaginer que des trucs pareils allaient arriver. Dans Enfermés dehors, je jouais carrément un flic... Donc non, il n’y a aucun propos anti-flics. Moi, ce que je vois, c’est un système qui dresse les gens les uns contre les autres. Un jeu pervers. Il y a un terrible déni de démocratie dans ce pays, avec un pouvoir total qui a été élu par 18 % des gens, 18 % qui ne seraient sans doute même pas derrière lui aujourd’hui... De Gaulle a été le dernier à oser mettre sa légitimité en jeu avec pas moins de cinq référendums. Le jour où Mitterrand a perdu les législatives et est resté en poste, en organisant la cohabitation, il est devenu clair qu’on refuserait désormais d’entendre les gens. Dans ces conditions, pour prendre la parole, il n’y a plus que la rue et la colère, et c’est foutu, parce qu’on a toujours tort quand on s’énerve, même quand on a rai- son! Je sais de quoi je parle, croyez-moi... De l’extérieur, vous avez l’air du dingue de service, même si votre révolte est juste.

Albert Dupontel - Adieu les cons : "C’est grave, si on ne peut plus voir les films"

Bande-annonce d'Adieu les cons :


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