Guide du 27 novembre 2019
Metropolitan FilmExport / Pathé / Diaphana Distribution

Ce qu’il faut voir cette semaine.

L’ÉVENEMENT

À COUTEAUX TIRÉS ★★★★☆
De Rian Johnson

L’essentiel
Rian Johnson rend hommage aux murder mysteries à la Agatha Christie dans un film joyeux et ultrasophistiqué.

Depuis Les 8 Salopards et le remake du Crime de l’Orient-Express par Kenneth Branagh, il semblerait que le « film Cluedo » soit de nouveau à la mode. Un drôle de genre, aux contours un peu flous (ses représentants vont du Limier à Huit Femmes) et dont on ignore jusqu’au nom (whodunit ? murder mystery ?). On sait juste que, de loin, il sent l’encaustique et le défilé d’acteurs célèbres en pull de Noël. Bonne nouvelle : le film de Rian Johnson est beaucoup plus retors et amusant que ça.
Frédéric Foubert

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PREMIÈRE A ADORÉ

PROXIMA ★★★★☆
D’Alice Winocour

À chaque film, Alice Winocour aime explorer de nouveaux territoires. Son premier long, Augustine racontait les relations entre le professeur Charcot et sa patiente atteinte d’hystérie dans la France de la fin du XIXe siècle. Son deuxième, Maryland, était un thriller paranoïaque centré sur la relation entre un garde du corps atteint de stress post-traumatique à son retour d’Afghanistan et la femme qu’il devait protéger. Avec Proxima, la réalisatrice part à la découverte du monde de la conquête spatiale : une astronaute est confrontée à la séparation d’avec sa fille de 8 ans avant son embarquement pour un voyage d’un an en orbite de la Terre. Des films comme autant de voyages guidés par la même ambition. Celle d’évoluer à chaque fois dans un environnement extrêmement réaliste.
Sophie Benamon

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THE IRISHMAN ★★★★☆ (sur Netflix)
De Martin Scorsese

Un vieux tueur de la mafia qui demande qu’on laisse la porte ouverte en partant, c’est comme Wild Bill Hickock qui insisterait pour s’asseoir dos à la fenêtre. Une invitation à la mort. The Irishman est ce film-là, un film sur un homme au bout de la route, qui le sait, qui attend, et pour qui chaque seconde restante pèse son douloureux poids de regrets. Alors Frank Sheeran (Robert De Niro) raconte. Il raconte un road trip avec son pote maffioso Russell Bufalino (Joe Pesci) dans les années 70, eux deux à l’avant, les épouses à l’arrière, les pauses clopes interminables tous les trente kilomètres, parce que les femmes fumaient beaucoup en ce temps-là et que Bufalino l’interdisait dans sa voiture. Voilà un détail qui n’en est pas un : c’est bien la voiture de Bufalino, mais c’est Sheeran qui conduit. Comme un chauffeur, certainement pas comme quelqu’un qui mène la danse.
Guillaume Bonnet

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PREMIÈRE A AIMÉ

GLORIA MUNDI ★★★☆☆
De Sarah Suco

On peut appréhender un film de Robert Guédiguian de deux manières : soit en le rattachant d’emblée à un corpus qui voit des visages familiers évoluer depuis près de trente ans dans un même périmètre (les faubourgs de Marseille) au gré des bouleversements de la société, soit en entrant comme par effraction dans ce « petit » théâtre de la condition humaine et se sentir tout aussi à son aise. Ce cinéma-là se répond à lui-même et se régénère constamment.
Thomas Baurez

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FREEDOM ★★★☆☆
De Rodd Rathjen

Pour son premier long, l’Australien Rodd Rathjen s’offre un double défi : un sujet imposant (l’exploitation humaine moderne) dans une culture qui n’est pas la sienne (l’action se déroule au Cambodge). Et sa réussite n’en est que plus remarquable. Freedom raconte la quête d’indépendance d’un Cambodgien de 14 ans qui, étouffant dans la rizière où il travaille avec sa famille, aspire à un autre horizon : un boulot mieux payé dans une usine en Thaïlande. Mais il ne verra jamais ce singulier eldorado. Piégé par son passeur, il est vendu comme esclave à un capitaine de chalutier. Jamais écrasé par son sujet, Rathjen signe un film aussi maîtrisé dans la conduite de son récit – et la métamorphose de cet ado forcé à apprendre à retourner les armes de son bourreau contre lui – que dans sa réalisation, où il fait brutalement surgir la violence sans forcer le trait. Un huis clos à ciel ouvert terrifiant.
Thierry Cheze

WONDER BOY, OLIVIER ROUSTEING, NÉ SOUS X
★★★☆☆
D’Anissa Bonnefond

Directeur artistique de la maison Balmain dont chaque défilé est un événement, Olivier Rousteing est l’une des figures majeures de la mode française. Il n’a donc pas usurpé le surnom de wonder boy, qui donne son titre à ce documentaire. Mais derrière ce faste et ce glamour, Olivier Rousteing a longtemps caché une faille de plus en plus béante au fil du temps : ce petit garçon noir a été adopté par une famille bordelaise blanche à l’âge d’un mois. Et il décide, la trentaine passée, d’entreprendre les démarches pour retrouver ses parents biologiques. Anissa Bonnefont l’accompagne dans ce voyage vers ses origines, toujours à bonne distance, avec ce talent pour faire partager l’intime sans jamais verser dans le voyeurisme ou l’angélisme. Et il se dégage de ce parcours du combattant une puissance émotionnelle rare.
Thierry Cheze

SYMPATHIE POUR LE DIABLE
★★★☆☆
De Guillaume de Fontenay

Peu après Camille de Boris Lojkine, les reporters de guerre ont de nouveau les honneurs du grand écran avec ce premier long centré sur une légende du métier : Paul Marchand (Niels Schneider, remarquable) plongé dans le quotidien sanglant de la guerre en ex-Yougoslavie en 1992. Un homme intègre, engagé et cassant envers ses collègues trop prompts à se mettre en scène pour raconter l’horreur. Lui ne transige pas avec son sens du devoir. Il disparaît derrière les faits et, s’il se montre héroïque (pour sauver des vies en se servant de sa voiture ou d’une planque vers des terrains plus sûrs), il le fait en secret. Là où Lojkine avait tendance à s’éparpiller en multipliant les sujets, Guillaume de Fontenay va droit au but avec un récit à l’os, une réalisation sans forfanterie qui fait surgir la violence avec une brutalité parfois insoutenable qui sied à son sujet.
Thierry Cheze

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PREMIÈRE A MOYENNEMENT AIMÉ

CHANSON DOUCE ★★☆☆☆
De Lucie Borleteau

Adapter, c’est trahir. Encore plus quand il s’agit d’un prix Goncourt récent très médiatisé. Et, dès les premières minutes de ce Chanson douce, on perçoit que Lucie Borleteau a décidé de suivre ce principe pour raconter la relation entre un couple avec deux enfants en bas âge et la nounou qu’ils ont engagée. Une perle rare dévouée et consciencieuse dont les réactions vont devenir de plus en plus angoissantes. La réalisatrice ne touche pas à l’ADN du roman de Leïla Slimani : une double réflexion sur les notions de maternité et de domination sociale – d’autant plus puissante qu’elle est exercée par un couple de bobos se pensant sincèrement à l’opposé de ce sentiment-là. Mais elle a choisi d’entraîner le récit vers le cinéma de genre, dans un parfait équilibre entre un thriller qui ne se déploie jamais vraiment tout à fait et un film réaliste perverti par l’atmosphère teintée d’horreur créée par le chef op Alexis Kavyrchine (La Douleur). Et pourtant, quelque chose ne fonctionne jamais tout à fait. Comme un vice originel de fabrication : un contresens sur celle qui incarne (pourtant impeccablement) cette nounou. Une comédienne ne déboule jamais neutre sur un écran. Et, avec ses rôles précédents, Karin Viard apporte d’emblée une certitude sur ce que va devenir son personnage, quand un visage plus angélique et doux aurait contribué à faire grandir le mystère. Comme si sa présence contredisait le climat tout en ambivalence que la réalisatrice essaie de construire et rendait attendues –donc banales – nombre de scènes censées hanter longtemps notre mémoire.
Thierry Cheze

LAST CHRISTMAS
★★☆☆☆
De Paul Feig

C’est une rencontre au sommet : un scénario d’Emma Thompson porté à l’écran par Paul Feig (Mes meilleures amies), qui sait faire briller les personnages féminins. Une comédie romantique de Noël où, alors que le monde entier semble se liguer contre elle, une jeune femme rencontre à Londres un garçon qui semble lire en elle comme dans un livre ouvert et dont elle va tomber amoureuse. À la manière de Music of my Life avec Bruce Springsteen, le scénario malin (jusque dans son twist final bien amené) joue avec les chansons de George Michael. Feig y confirme son talent d’entertainer subtil et racé. Et pourtant, quelque chose cloche. Ou plutôt quelqu’un. L’interprétation en force et tout en mimiques d’Emilia Clarke rappelle combien l’exercice de la comédie romantique tient de la mécanique de précision. N’est pas Keira Knightley ou Zooey Deschanel qui veut !
Thierry Cheze

TENZO
★★☆☆☆
De Katsuya Tomita

Drôle d’objet que ce Tenzo à mi-chemin entre le documentaire, la fiction plus ou moins assumée et le spot publicitaire pour la culture zen. Le spectateur passe ainsi son temps à essayer de démêler le pourquoi du comment et n’écoute que d’une oreille distraite ce qui est censé se jouer. À moins que le portrait en miroir de ces deux bonzes de l’école bouddhiste de Sôtô au Japon (une référence mondiale et ancestrale en matière de zen) ne lui passe gentiment au-dessus de la tête. Ici, le spectre de Fukushima et sa catastrophe, dont les stigmates sont encore visibles, indiquent toutefois que la sagesse doit être sans cesse mise à l’épreuve. Il est aussi question de nourriture, de philosophie et d’éducation. On pressent un curieux désir de cinéma. Tenzo en deviendrait presque un objet théorique soft. Bref, quelque chose opère un peu. Un peu, mais pas assez.
Thomas Baurez

INDIANARA
★★☆☆☆
D’Aude Chevalier-Beaumel et Marcelo Barbosa

Présenté dans la sélection de l’ACID au dernier Festival de Cannes, ce documentaire suit deux ans du quotidien de la Brésilienne Indianara Siqueira, une militante LGBT qui a ouvert un lieu de refuge pour les trans à Rio. Aude Chevalier-Beaumel et Marcelo Barbosa la filment sous la mandature du président Michel Temer, prédécesseur de Bolsonaro, où les droits des LGBT avaient déjà régressé. Glissant leur caméra au coeur des préparations de manifs, des cortèges et des fêtes, mais aussi d’enterrements, le tandem donne à voir une vie arc-en-ciel. Un catalogue de petits moments volés, pour embrasser une vie de combat qui pourrait s’arrêter à tout moment. Alors que les minorités ont la vie encore plus dure aujourd’hui, ce documentaire solaire n’a donc rien d’un tract politique, et l’absence de tout discours purement revendicatif manquera à ceux qui le jugent aujourd’hui indispensable.
Sophie Benamon

L’ORPHELINAT
★★☆☆☆
De Shahrbanoo Sadat

Trois ans après le remarquable Wolf and Sheep, l’Afghane Shahrbanoo Sadat continue à raconter son pays par le prisme de l’enfance. Cap sur Kaboul, en 1989, époque charnière entre la fin du régime prosoviétique et la prise de pouvoir par les moudjahidine. Qodrat, gamin débrouillard, gagne sa (sur)vie en trafiquant des tickets de cinéma avant de se faire arrêter et d’être conduit dans cet « orphelinat ». À l’ambiance onirique de Wolf and Sheep succède ici une forme bien plus passe-partout qui ne transcende jamais le fond de son propos. Sauf dans ces moments savoureux où, pour échapper à son quotidien, Qodrat s’imagine héros d’un film bollywoodien. On aurait rêvé de voir le récit entièrement dominé par cette fantasmagorie-là mais, trop rares, ces scènes kitsch détonnent avec le naturalisme de l’ensemble.
Thierry Cheze


PREMIÈRE N’A PAS AIMÉ

THE DARKEST ☆☆☆☆☆
De Robin Entreinger

Sur un sujet approchant ceux de Midsommar et de Koko -Di Koko-Da (un couple désuni est éprouvé lors d’un séjour qui vire au cauchemar), The Darkest démontre l’incapacité récurrente des cinéastes français à jouer avec le genre. L’absence de moyens, ici patente, n’explique pas tout -l’exemple ancien de Blair Witch Project a prouvé qu’elle pouvait même être un atout. Il n’y a dans The Darkest aucun élément susceptible de provoquer le frisson. Alors qu’on s’attend à une variante de The Descent (les protagonistes installent leur tente aux abords d’une grotte retirée où ils sentent une présence hostile), on n’a le droit qu’à des dialogues insipides (« Trouve une explication ! Energie, machin... ») et à une fausse/bonne idée de cinéma (plonger dans le noir des acteurs qui pleurent et qui crient mal).
Christophe Narbonne

 

Et aussi en salles :
Cocaïne prison de Violette Ayala
Comment s’écrit ”Al-Zaï-Meurt” déjà ? de Jean Odoutan
La balade d’Ivan de Claude Chamis
Toute ressemblance de Michel Denisot
Transition verticale de Paul Diffley

 

Reprises :
Âmes perdues de Dino Risi
L’âme des guerriers de Lee Tamahori
Moonrise de Frank Borzage