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Le film avec Pierre Niney revient à 20h55 sur France 2.

Yves Saint Laurent  a fait 1.6 millions d’entrées en France. L’objectif est-il atteint ? Très largement. Il a marché beaucoup plus que prévu, en France et à l’étranger. Lorsque je l’écrivais, c’était au moment des manifestations contre le mariage pour tous, et je me disais que cette histoire d’amour rencontrerait certainement un écho. Il y avait clairement quelque chose de moderne dedans, qui méritait d’être partagé par le plus grand nombre.

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Les producteurs et le distributeur vous avaient-ils assigné un objectif en-deçà duquel le film aurait, disons, été un échec ? Vous savez, YSL n’a pas coûté très cher -7 millions- pour un film d’époque. On avait une pression relative, comme pour toute sortie, et le résultat a dépassé nos espérances. Si je ne me trompe pas, le point mort était de 700 000 entrées. On est donc très contents !

Dans quels pays étrangers a-t-il marché ? Au Japon, en Allemagne, en Angleterre, en Italie… Au total, il devrait faire un million d’entrées à l’étranger, ce qui est un score flatteur pour un film français. Je suis surtout fier qu’il ait pu sortir en Russie en plein vote des lois homophobes de Poutine.

Vous parlez plus de sa résonance par rapport à l’homosexualité que de l’icône YSL ? Ne vous méprenez pas. L’aspect biopic est très important, cela fait partie de l’ADN du film, mais au-delà de l’icône, je trouvais important de banaliser l’aspect gay, de ne pas faire un « queer movie ». C’était également l’occasion de rappeler que le couple Saint Laurent-Bergé a été l’un des premiers du genre à s’afficher publiquement. Même si aujourd’hui, cela ne paraît plus avant-gardiste, il me tenait à cœur de le rappeler d’autant que la société française n’a toujours pas réglé ses comptes avec l’homosexualité.

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Comment avez-vous vécu la promo mondiale de ce film de prestige, vous qui venez de la scène indépendante française ? Je me suis surtout intéressé à l’écho que le cinéma français avait à l’étranger. J’ai découvert à cet égard la réalité des chiffres, qui ne mentent pas : même en Angleterre, où il est l’un de ceux qui s’exporte le mieux, il reste marginal en terme d’entrées. Notre cinéma est encore considéré comme arty. Unifrance fait néanmoins un super travail qu’il faut encourager car c’est vraiment exaltant pour un réalisateur que son film soit vu par autant de gens.

Cela vous a-t-il appris des choses sur la vie d’un film, sa production, sa fabrication, sa vente ? Probablement. Pour autant, je ne suis pas certain d’en tirer des leçons pour mon prochain film, car je préfère me laisser guider par mes envies ! J’aimerais juste que le cinéma français s’exporte davantage et qu’il tienne compte des nouveaux supports. Aujourd’hui, le rapport à l’image et aux histoires est en plein bouleversement. La notion d’immédiateté, qu’on trouve dans les séries et les formats très courts sur le net, modifie la perception du spectateur moyen, donc je m’interroge sur son évolution dans les 10-20 prochaines années. Le cinéma français se doit d’y penser, car il a les capacités techniques et, je dirais, industrielles de rayonner.

Avec ce film, sa médiatisation, son succès, vous êtes passé dans une autre dimension, l’avez-vous ressenti comme ça ? J’ai eu la chance d’avoir beaucoup de propositions d’un coup, à la fois comme réalisateur et comme acteur. C’est à la fois juste et injuste, mais ce sont des temps forts dans une carrière dont il faut savoir profiter. J’aime tellement mon métier, raconter des histoires, être sur un plateau... L’opportunité que m’a offerte Canal+ de travailler sur l’ambitieuse série Versailles est de ce point de vue une aventure extraordinaire.

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Vous réalisez le pilote de la série ? Je réalise les deux premiers épisodes, pour lesquels on m’a laissé carte blanche. J’ai imaginé avec mes collaborateurs le casting, les décors, les costumes, j’ai constitué une équipe image… J’ai aussi instauré une charte de travail et de découpage qui restera.

Mais les showrunners de la série sont bien des Américains ? Ce sont des Anglais qui travaillent à Los Angeles.

Vous êtes responsable de toute la partie artistique ? Oui, en collaboration avec eux, mais aussi avec la société Capa Drama dirigé par Claude Chelli, grand producteur à l’initiative du projet. Il avait envie de rendre possible ce projet international chez nous, avec une touche « à la française ». C’est à mon sens assez unique de faire une série de cette envergure sans délocaliser à Prague par exemple. Cela va créer des emplois et permettre à nos techniciens de talent de s’exprimer.

On parle beaucoup de vous comme réalisateur ces derniers temps, un peu moins comme acteur, ce qui est regrettable car vous êtes remarquable dans De Guerre Lasse d’Olivier Panchot. Avez-vous regretté que sa carrière en salle soit si confidentielle ? C’est difficile de produire un film de genre aujourd’hui en France. J’en suis très content, c’était un très petit budget, on a tous consenti des efforts énormes, on a beaucoup travaillé… Lorsque les choses sont faites honnêtement, qu’elles sont dignes d’intérêt, elles nous permettent d’avancer dans nos carrières. Olivier est passé à autre chose et je ne doute pas qu’il va continuer.

Avez-vous envie de jouer un peu plus ? Bien sûr, mais quand on a la double casquette comme moi, les gens pensent moins à vous, et c’est normal. Quand je joue, j’ai l’impression d’être un boxeur qui monte sur le ring, prêt à tout donner. L’acteur donne corps et vie à des histoires abstraites sur le papier. C’est la base de notre métier, une grammaire essentielle. Jouer et réaliser sont deux activités qui me nourrissent, j’adore passer de l’une à l’autre.

J’ai lu dans une interview que vous affirmiez que vous iriez voir le Saint Laurent de Bertrand Bonello. L’avez-vous fait? Je n’ai pas eu le temps, j’ai vraiment enchaîné les tournées à l’étranger et le tournage de Versailles. Je n’ai même pas encore vu Interstellar !

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On entre dans la saison des prix. Avez-vous été surpris ou déçu que le Bonello pour ait été choisi pour représenter la France aux Oscars ? Non, je n’ai pas été surpris. Je serai content pour le cinéma français qu’un film puisse l’y représenter, j’espère qu’il sera sélectionné par l’Académie des Oscars.

Il y a des chances qu’aux César vous vous retrouviez en concurrence avec Bonello. Craignez-vous que ça ravive des choses désagréables ? Pas du tout. Je suis vraiment passé à autre chose et, sincèrement, je m’efforce de ne pas rentrer dans ce genre de polémique. On sait depuis le début qu’il y a deux films sur le même sujet. On peut le vivre plus ou moins bien quand on est concerné, mais, au fond, ça n’intéresse pas les gens. Le public va au cinéma, il aime ou il n’aime pas ce qu’il voit, c’est tout.

Interview Christophe Narbonne (@chris_narbonne)

Bande-annonce d'Yves Saint Laurent :