Qu’est-ce qui résonne chez vous dans cette affaire pour que vous décidiez de vous y attaquer ?Vincent Garenq : C’est une histoire qui remonte à dix ans mais elle a un côté très contemporain, par la thématique de la finance. Le genre d’histoire pas totalement connue du grand public. J’ai lu les livres de Denis Robert et j’ai découvert qu’il y avait des choses beaucoup plus intéressantes que la version de Clearstream qu’on nous avait racontée, avec Dominique de Villepin et Sarkozy. Les gens n’avaient rien compris à cette histoire et le film a le mérite de remettre un peu les choses dans l’ordre et de leur redonner du sens. Mais je voulais faire un film avant tout.Il était logique pour vous dès le départ de faire un film ramassé ?C’est une énorme simplification mais il y a une série documentaire qui s’appelle Manipulations, qui est très intéressante. Elle fait cinq fois une heure et on explore l’histoire plus en profondeur. Sauf qu’au bout d’un moment, on lâche prise. Ça devient presque insupportable. Il faut quand même arriver à extraire l’essentiel, car si on raconte tout ça devient trop complexe et plus vraiment cinématographique.Après Outreau dans Présumé Coupable, c’est la deuxième fois que vous abordez une histoire tirée de faits réels.VG : J’aime bien les histoires qui sonnent vrai, qui sentent le vécu. Je n’aime pas trop les histoires de scénaristes, en ce moment j’ai envie de choses tirées du réel. Mais c’est toujours autour de personnages forts. C’est mon moteur. Ça permet de parler du monde où l’on vit, pas de mondes imaginaires. Après j’essaie de faire du cinéma. Je ne sais pas si j’y parviens mais c’est ce que j’essaie de faire !Pourquoi avoir choisi Gilles Lellouche dans ce rôle ?VG : En écrivant, je pensais à lui. Je l’avais notamment vu dans le film de Klapisch (Ma part du gâteau, ndlr) où je l’ai trouvé vraiment très bien. Et puis le personnage de Denis Robert n’est pas si connu du grand public, donc je me suis affranchi des ressemblances. J’ai pensé au personnage de cinéma qu’il fallait faire exister. Il a dit oui tout de suite.Quels rapports avez-vous eu avec Denis Robert ?VG : Il m’a laissé faire ce que je voulais, il n’a jamais été dirigiste. Il m’a fait confiance sur ce travail d’adaptation.Vous avez subi des pressions ?VG : Non, aucune. On a même une coproduction avec le Luxembourg, ce qui est quand même hallucinant ! Ce sont des histoires qui sont connues, on n’est pas en train de révéler des choses. Mais l’impact du cinéma fera peut-être prendre conscience aux gens des enjeux. Gilles, comment devient-on Denis Robert ?Gilles Lellouche : Bizarrement, quelque chose m’a beaucoup aidé à rentrer dans les méandres de l’affaire. Car c’est quand même rébarbatif, pour pas dire chiant, Clearstream. Pendant des années, je n’ai rien compris à cette histoire, au même titre que tout le monde. Mais Denis Robert et un dessinateur (Laurent Astier, ndlr) ont fait une BD qui était passionnante, pédagogique et ludique. Ça rendait le travail de compréhension plus facile. Après j’ai rencontré Denis. Et je me foutais d’avoir une ressemblance physique avec lui, c’est pas comme si on faisait un biopic de Claude François, Denis n’est pas un personnage grand public. Ce qui m’intéressait le plus, c’était de comprendre sa vie d’un point de vue très personnel, dans tout ce que ça peut engendrer comme dommages collatéraux avec ses enfants, avec sa femme. À quel point cette enquête est devenue obsessionnelle. Quel était son moteur ? C’est ce que je lui ai demandé. En l’espace de deux films, entre La French et L’Enquête, j’ai été confronté à deux héros contemporains. Deux figures que sont le juge Michel et Denis Robert, des types incorruptibles qui ont une haute idée de la société, de sa justice. C’est évidemment valorisant pour un acteur mais surtout en tant qu’homme et citoyen.C’est la première fois que vous portez réellement un film seul.GL : C’est la première fois que je porte un film dont je suis fier à 100 %. Il s’avère que c’est un grand rôle. C’est chouette quand ça vous tombe dessus, c’est rare. Mais c’est normal, s’il n’y avait que de grands rôles, on ferait tous des grands films et tous les acteurs auraient des filmographies exceptionnelles. Ce qu’il faut, c’est essayer de minimiser la casse. C’est la complexité d’une carrière et du temps qui passe. Il faut essayer d’être de plus en plus exigeant, de faire de moins en moins de compromis et avoir le luxe de pouvoir le faire. Quand je fais un mauvais film, le plus malheureux de tous, c’est moi. Parce que ça casse mon enthousiasme, parce que ça me fait du mal. Ça résonne en moi longtemps. Il y a beaucoup plus de raisons de faire des mauvais films que des bons. Faire un bon film, c’est un état de grâce, c’est une association de plein de choses. Mais c’est très rare. Faire un mauvais film, c’est hélas très facile.Propos recueillis par François LégerL'Enquête sera dans les salles françaises le 11 février.L’Enquête à l’UGC Ciné Cité Atlantis