Dans l’une des scènes les plus fortes de La Couleur pourpre, Oprah Winfrey se faisait frapper par un shérif blanc avant de le gifler en retour. Trente ans plus tard, dans Selma, elle cogne à nouveau un shérif blanc avant de se faire casser la figure... Prêtresse de la télé américaine, conscience politique des Noirs américains et puissante lobbyiste, Oprah pourrait être une simple actrice du dimanche. Mais pour le cinéma, Winfrey est beaucoup plus que cela. En tant que productrice, elle est la troisième femme aux États-Unis, après Mary Pickford et Lucille Ball, à avoir développé son propre studio, Harpo, qui lui permet de financer des films diffusant son message militant.C’est elle qui a lancé la carrière de Lee Daniels (en produisant Precious), elle qui a réussi à imposer Ava DuVernay, une jeune cinéaste noire inconnue, aux commandes de Selma. Ce militantisme cimente d’ailleurs toutes ses apparitions à l’écran, qui peuvent être vues comme une métaphore de sa prise de pouvoir dans l’industrie.Poings d'exclamationDans Beloved, adaptation du roman de Toni Morrison, elle jouait Sethe, une esclave libre qui se bat contre son passé au sens propre comme au figuré ; dans Le Majordome, elle était la femme du héros passe-plat, plus véhémente que son mari lui-même ; et dans Selma, elle incarne Annie Lee Cooper, une infirmière qui, en pleine ségrégation, frappe un policier alors qu’il essaie d’empêcher les Noirs de s’inscrire sur les listes électorales. Annie Lee Cooper a vraiment existé, elle a été rouée de coups et arrêtée pour s’être opposée à une injustice, devenant l’un des symboles de la lutte pour les droits civiques. À chaque fois, Oprah joue des femmes qui ont des choses à dire sur la place des Noirs aux États-Unis et qui sont prêtes à le dire avec leurs poings.Comme elle le reconnaît dans le making of du Blu-ray, son premier mouvement fut de renoncer au rôle de Cooper « à cause de La Couleur pourpre où je frappe un shérif et du Majordome où je gifle mon fils. Suis-je donc destinée aux rôles de boxeuses ? » Elle aura finalement accepté en raison de « ce qu’elle a représenté pour le mouvement ». Quoiqu’elle dise, Oprah aime les coups de boule. Ses personnages en donnent, ses films en sont (Selma, sorti pendant l’affaire Michael Brown, a servi d’électrochoc au public américain) et son parcours hollywoodien fonctionne comme ça... Une manière de rappeler inconsciemment que sa réussite a été arrachée aux bas-fonds américains et qu’on peut être noire, pauvre, violentée, et devenir influente et respectée. Mais pas sans coller quelques gifles. Gaël GolhenSelma en DVD et blu-ray le 15 juilletBande-annonce :
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Retour sur Selma : Oprah Winfrey, femme de poigne à Hollywood
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