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Ça démarre comme un film de boxe à la Girlfight, version pré-ado et afro-américaine. Sauf que Toni, l’héroïne, « garçon manqué » d’à peine 11 ans, cherche moins les uppercuts que sa propre féminité. Il lui faut donc quitter son ring pour un autre, dans la salle d’en face où les filles bougent leur corps en rythme : ce sera donc un film de danse… À moins que le récit ne bascule dans la fable horrifique ? À Cincinnati, une mystérieuse épidémie touche en effet ces danseuses de drill, variante hyper-disloquée du hip-hop. Une à une, elles se mettent à avoir de spectaculaires convulsions (qui évoquent d’ailleurs, c’est l’une des belles idées de The Fits, une version paroxystique du drill). Aucun garçon n’est atteint. Plus bizarre encore, les adolescentes ont l’air plutôt fières d’avoir été contaminées. Elles en parlent comme d’un dépucelage. Une sorte de passage initiatique que Toni se surprend à redouter. Si ce sous-texte sur le genre et l’identité sexuelle n’est pas d’une grande subtilité, le passage par le cinéma « de genre » (justement) déleste l’allégorie d’une certaine pesanteur démonstrative. Peu de dialogues ici. La mise en scène est avant tout sensorielle, immersive, grâce à un travail méticuleux de spatialisation, aussi bien sonore (respiration, bruissement des cheveux) que visuelle (jeu sur le flou et la profondeur de champ) : il s’agit de trouver sa place, avec Toni. D’où un portrait volontiers un peu austère, mais dont le dépouillement formel finit par secréter l’hypnose.