Toutes les critiques de Standard Operating Procedure

Les critiques de Première

  1. Première
    par Gael Golhen

    Tout en scope et effets (caméras de traviole, ralentis, photo sublime de Richardson, histoire d’enjoliver le crachoir qui en deux heures se remplit de trucs vraiment merdeux) ce docu-enquête mélangeant interview et fictionnalisation, clôt une trilogie de l’atrocité commencée avec Mr Death et Fog of War. Sur le mode thriller, avec l’incroyable témoignage des accusés, SOP revient sur les tortures des GI à Abou Ghraib ; s’interroge sur les mystères de cette infamie (comment-ont-ils pu ?) ; dissèque la banalité du mal, l’absence de culpabilité et la responsabilité du système. Mais surtout dresse le portrait de ces soldats beaufs et un peu flippants. Le récit ne tente jamais de faire des personnages centraux des monstres. Il fait ressortir leur auto-apitoiement, leur incapacité à comprendre ce qu’ils ont fait de mal, ce qui ressemble souvent à une (mauvaise) blague. Carrément abominable ou drôlement pathétique (question de point de vue), c’est la psyché US dans toutes ses contradictions dialectiques qui ressort de ce doc vraiment dérangeant.

Les critiques de la Presse

  1. Le JDD
    par Stéphanie Belpêche

    La mise en scène (assortie d'une musique de Danny Elfman, le compositeur de Tim Burton), semble parfois trop sophistiquée au regard d'un sujet délicat qui demandait davantage de sobriété. Mais le propos reste édifiant.

  2. Fluctuat

    Remarqué dans de nombreux festival et notamment à Berlin où il a reçu l'Ours d'argent, Standard Operating Procedure est un documentaire qui revient sur les photos prises par des soldats américains dans la prison irakienne d'Abu Ghraib. Mêlant de manière très subtile technique documentaire et mise en scène de fiction, ce film pose de nombreuses questions. Si certaines, cruciales, changent le regard porté sur l'actualité, d'autres, comme souvent avec Errol Morris, bouleverseront sûrement les spectateurs, interrogeant leur statut et celui du film qu'ils sont en train de voir. Important, dérangeant, passionnant.Quand l'affaire des photos d'Abu Ghraib a éclaté, de nombreuses colonnes déploraient l'existence de ces photos et l'ignominie de ceux qui avaient osé les prendre. Elles montraient en effet des soldats souriants face à des corps de prisonniers irakiens humiliés. Une femme notamment s'est attiré les foudres des médias. Lynndie England incarnait le mal absolu. On la voyait sur les clichés les yeux mi-clos, l'air un peu saoul, semblant s'amuser de ce qu'elle infligeait à un homme qu'elle tenait en laisse. On s'était étonné qu'une représentante du sexe dit faible, sexe qu'on considère souvent comme plus émotif et sensible, en soit arrivée à ce point de déshumanisation d'autant plus grand qu'elle est femme.Aujourd'hui, cinq ans après les faits, trois ans après le procès et alors qu'elle vient de sortir de prison, on la voit s'incarner face à la caméra du réalisateur. Errol Morris la filme comme il filme ses autres témoins ainsi que les acteurs qui en incarnent certains. Sa caméra capte les confidences des gradés de l'armée américaine de la même manière qu'elle recueille les propos de la première classe England. Posée, maquillée, elle se dépouille paradoxalement de son identité de personnage et redevient une personne, un témoin parlant doué de suffisamment de recul et de raison pour revenir sur ses gestes et leur contexte.Les soldats qui servent en Irak ne sont que des hommes. "Humain trop humains" aurait pu dire Nietzsche. L'un d'entre eux témoigne dès les premières secondes du film et souligne que pour servir en Irak "il faut se considérer comme déjà mort. Si on revient vivant, on peut se dire qu'on a eu de la putain de chance. Si on se considère comme mort, on peut faire toutes les merdes qu'on nous demande de faire". Bien sûr, à entendre ce témoignage ou bien celui d'England qui explique qu'elle était dans un monde d'hommes, "bien obligée de faire comme eux", on pense à Une saison de Machettes. Dans ce livre, Jean Hatzfeld a recueilli les témoignages des génocidaires du Rwanda. Nombre d'entre eux cherchaient à détourner un peu de la réalité qu'ils ne pouvaient visiblement pas voir en face. Ici c'est la même chose. Les tortionnaires ne dissimulent pas vraiment mais expliquant leur attitude, tentent de s'arroger les circonstances atténuantes des spectateurs.Bien sûr il y a quelque chose de choquant pour le péquin moyen à voir des gens s'amuser de la torture. Toutefois, ce péquin devrait sans doute être davantage choqué de l'existence même de cette torture, ce que l'affaire des photos n'a que moyennement discuté, se focalisant sur les visages souriants. Or cette torture est utilisée par l'armée américaine qui suit des "opérations de procédure standards". Entendant certains de ses représentants, on se dit que la grande muette n'a pu ignorer ce qu'il se passait dans la prison irakienne. Et de se souvenir de la manière dont les médias avaient traité l'information : les photos étaient au centre de l'objectif, les actes à sa périphérie. On avait suivi les médias, s'indignant avec eux alors qu'on aurait sans doute dû poser davantage de questions à l'US Force... Il apparaît alors évident qu'Errol Morris nous aide à nous poser les bonnes questions. Car de quoi ont été accusés ces soldats ? D'avoir pris les photos ou bien de s'être faits prendre ? Comment se fait-il qu'aucun responsable militaire n'ait été inquiété ? Pour Errol Morris, S.O.P. n'est que la partie émergée de l'iceberg. Ce film n'est que le début d'une enquête sur un sujet sur lequel il y a beaucoup à dire. On ne peut qu'être d'accord.S.O.P. : Standard Operating ProcedureDe Errol MorrisAvec Joshua Feinman, Merry Grissom, Zhubin RahbarSortie en salles le 24 septembre 2008Illus. © Sony Pictures Releasing France - Exprimez-vous sur le forum cinéma- Lire les fils documentaire, guerre sur le blog cinéma