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Un couple de cinéastes, Chris et Tony (Tim Roth, dans un registre dépouillé où il excelle) qui s’installe pour écrire sur l’île de Fårö, où vécut Bergman… Avec son film le plus autobiographique, Mia Hansen-Løve n’a pas eu peur des obstacles : traiter d’un sujet possiblement excluant (on connaît la difficulté des films sur le cinéma à trouver leur public) ou se confronter au maestro suédois. Pourtant rien de tout cela et encore moins les aléas d’une production agitée (lire page XX) ne transparaît à l’écran. Bergman Island fascine à l’inverse par l’incroyable limpidité de son récit mêlant la réalité de ce couple et la fiction du scénario écrit par Chris qui prend forme à l’écran. D’abord parce qu’elle sait désacraliser -sans l’abîmer - la figure imposante de Bergman à travers la description des parcours touristiques cinéphiles organisés sur cette île. Mais surtout parce qu’elle ne signe pas plus un film sur lui que sur le cinéma. Bergman Island est d’abord l’histoire d’une double émancipation. Celle d’une cinéaste, qui se vit comme totalement dépendante du père de son enfant. Et celle de son héroïne, hantée par un premier amour qu’elle n’a jamais pu oublier. Il règne sur ce double récit la mélancolie de ces histoires terminées qui continuent pourtant à briller comme des étoiles mortes. Ce film a la grâce. Celle de sa comédienne principale, l’éblouissante Vicky Krieps. On y retrouve des fragments de tous les précédents Mia Hansen-Løve (du Père de mes enfants à Un amour de jeunesse). Comme s’il concluait un cycle et en ouvrait un autre. A la manière de ce que vivent ses héroïnes. Autobiographique jusqu’au bout.