Interstellar : un premier projet bien différent développé par Steven Spielberg
Warner Bros

Interstellar aurait dû être à l'origine réalisé par Steven Spielberg et connaître une intrigue bien différente.

Après avoir mis un point final à sa trilogie Batman en 2012, Christopher Nolan revenait derrière la caméra avec Interstellar, aventure spatiale et philosophique dans laquelle Matthew McConaughey s'envole dans une expédition vers une autre galaxie afin de trouver une planète habitable, alors que la Terre est ravagée par une grave pénurie alimentaire. Alors que la sortie de Tenet se rapproche, retour sur les origines d'Interstellar, un film qui aurait pu être réalisé par Steven Spielberg.

Épopée SF ambitieuse aux accents kubrickiens, Interstellar fut porté vers les sommets par son casting royal mené par McConaughey certes, mais aussi par Anne Hathaway, Jessica Chastain, Michael Caine, Casey Affleck ou encore Matt Damon, Interstellar fut un véritable succès public, réunissant 2,6 millions de spectateurs en France, et obtenant plus de 675 millions de dollars de recettes à travers le monde. Le film décrocha par ailleurs cinq nominations aux Oscars, exclusivement techniques, repartant avec celui des meilleurs effets visuels. Un succès mérité pour ce film pour lequel Première faisait notamment partie des séduits : "Au-delà du trip cosmique, l'odyssée SF de Christopher Nolan montre surtout sa capacité à émouvoir. La première image d’"Interstellar" résume le projet esthétique du nouveau Christopher Nolan : tout embrasser du regard. L’infiniment grand et l’infiniment petit, hier et demain, les confins du cosmos et les sols arides du Midwest, les récits éternels de l’Amérique et les grands problèmes écologiques de notre temps, la froideur tétanisante du cinéma de Kubrick et les effusions doudou de celui de Spielberg. (...) Interstellar" a beau se présenter comme un trip cosmique ample et vertigineux, il ne s’apprécie en réalité que comme un étonnant mélo chuchoté".

Ce nouveau coup de maître de la part de Christopher Nolan aurait pourtant pu (dû?) ne jamais avoir lieu. Interstellar est en effet un projet de longue date dans les cartons de Hollywood, apparu il y a près d'une dizaine d'années sous la plume de la productrice Lydia Obst et du physicien Kip Thorne, qui avaient déjà tous deux collaboré sur Contact de Robert Zemeckis en 1997. Ils écrivent ensemble un premier traitement de huit pages en 2006 qui convainc à l'époque un autre grand réalisateur : Steven Spielberg. Ce dernier rejoint le projet et reçoit alors l'aide, pour développer le scénario d'un certain... Jonathan Nolan, le frère de Christopher et scénariste de la plupart de ses longs-métrages.

Christopher Nolan n'arrive en réalité sur le projet que bien plus tard, à la suite du départ de Spielberg en 2009 après la vente de Dreamworks, qui passe du giron de la Paramount, productrice d'Interstellar, à Disney. Il ne s'engage même définitivement sur le projet qu'en 2012, après que son frère ait passé plus de quatre ans à la réécriture du scénario, avant d'apporter lui-même ses propres retouches. De cette longue gestation accouchera finalement l'Interstellar tel qu'on le connaît, qui sort dans les salles françaises en novembre 2014.

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Une intrigue sensiblement différente

Si l'on ne verra donc jamais l'Interstellar de Spielberg, il en reste néanmoins des traces. Un scénario quasi complet particulièrement, de plus de 120 pages, et qui correspond au traitement original qu'avait développé Jonathan Nolan en 2008. À travers cette première version on peut tout de même avoir un apperçu de toutes les idées du film qui ont été rajoutées et modifiées suite à l'arrivée de Christopher Nolan sur le projet. Le site SlashFilm en avait notamment isolé une quinzaine lorsque le scénario original est apparu en ligne, quasiment au même moment que la sortie du film.

Si dans l'ensemble le début du film suit peu ou prou la même trajectoire, on discerne bien vite les principales divergences entre le script initial et le script définitif. Dans la première version, Murphy n'est pas une fille (Jessica Chastain à l'âge adulte, Mackenzie Foy à l'âge d'enfant) mais un jeune garçon (Nolan, père d'une petite fille, a insisté pour changer le sexe de la jeune Murphy). Cooper, le héros, intègre en réalité la NASA après avoir trouvé dans son jardin une sonde alien qui s'avère être une balise permettant de trouver sa planète d'origine.

Au rayon des principaux changements de scénario, la mission spatiale en elle-même est probablement celle qui a subi le plus de modifications : exit les missions Lazarus précédentes, celle que mène Cooper devient la mission pionnière du genre. Et après avoir été confronté à un périple beaucoup plus compliqué à travers le trou noir, fait de distorsions variées de la réalité, l'équipage aurait dû finalement atterrir sur la seule planète qu'ils visiteront, la planète de glace... où ils auraient découvert que les spationautes chinois les avaient déjà devancés une trentaine d'années plus tôt au cours d'une mission d'installation d'une base spatiale dont tous l'équipage était désormais décédé. En guise de confrontation, l'équipage de la mission de la NASA n'aurait pas rencontré d'humains à l'image de Matt Damon, mais des aliens et des robots qui ont survécu à l'expédition chinoise.

À la suite de tous les événements survenus sur la planète de glace, les membres de la mission auraient alors dû découvrir qu'ils ont perdu l'équivalent de dizaines d'années terrestres et qu'ils étaient désormais les derniers représentants d'une humanité décimée. Une vision très sombre de l'intrigue qui aurait été quelque peu attendrie par... une scène de sexe, prévue entre Cooper et Amelia, qui tombent amoureux dans leur désespoir. L'équipe aurait alors découvert toute une série de trous noirs permettant de voyager à travers le temps et l'espace, mais trop tard pour sauver l'humanité.

Le film aurait alors dû s'achever par le retour de Cooper sur Terre... en l'an 2320, dans laquelle il revenait dans sa maison dévastée, à l'image de sa planète. Inconsolable à l'idée de ne pas avoir sauvé son fils Murphy, il finit par s'évanouir au beau milieu d'une tempête... avant de se réveiller dans une base spatiale où il retrouve son arrière-arrière-petit-fils. Une scène assez proche de la véritable scène finale d'Interstellar, sauf pour son dénouement, puisque Cooper y quittait la base spatiale pour essayer de retrouver Amelia, restée dans la base chinoise sur la planète de glace.

Autrement dit, le scénario développé pour Spielberg laissait entrevoir une intrigue radicalement différente sur sa seconde moitié, moins métaphorique, beaucoup plus tragique tout en étant parfois aussi jusqu'au-boutiste que la vision de Nolan. Une toute autre vision de l'intrigue qui montre à quel point l'approche des deux cinéastes aurait changé radicalement la teneur du film.