patricia arquette
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L'actrice américaine nous parle de ses rôles marquants, de son enfance, et de ses pires souvenirs...

Après 30 ans d'une carrière exceptionnelle, couronnée par un Oscar, un Golden Globe, et un Emmy Award, Patricia Arquette était honorée au Festival de Monte Carlo en juin dernier. La star hollywoodienne est désormais une valeur sûre du petit écran. Après le très populaire Médium et un rôle dans Les Experts, elle a fait sensation l'an dernier, dans Escape at Dannemora. Et elle a encore bluffé tout le monde, cette année, avec The Act, nouvelle mini-série Hulu (qui n'a pas encore de diffuseur en France), dans laquelle elle incarne une mère abusive. Retour sur un parcours hors du commun.

Vous avez une carrière tellement longue, tellement riche, tellement diverse... Si vous deviez retenir un rôle ou deux, ce serait lesquels ?
Patricia Arquette : Je dirais qu'Escape at Dannemora a vraiment été un rôle majeur dans ma carrière. L'un des plus intenses en tout cas. J'ai beaucoup appris sur le tournage, avec les autres acteurs. Cela fait partie des rôles qui changent une carrière. Comme lorsque j'ai fait Lost Highway, avec David Lynch. C'est clairement un cinéaste pas comme les autres. Il m'a vraiment mise au défi, moi qui suis de nature très timide, très simple. Et puis il y a eu aussi The Indian Runner. Travailler avec Sean Penn, ça m'a beaucoup enrichi. Mais franchement, je suis aussi très reconnaissante pour tous les mauvais rôles que j'ai joué. Même les mauvais films, que je savais être mauvais au moment où je jouais dedans, m'ont apporté quelque chose. Ils m'ont permis d'acheter des couches, d'emmener mes enfants chez le docteur...

Et Boyhood, pour lequel vous avez eu un Oscar ?
C'est marrant que vous parliez de rôle, parce que pour moi, ce n'était pas un rôle. C'était toute une expérience. Quelque chose de tellement personnel. On était au-délà du film. J'ai fait pas mal de choses dans ma carrière auxquelles je tenais beaucoup, comme The Indian Runner ou True Romance. Et j'étais frustrée de voir qu'ils n'avaient pas l'attention qu'ils méritaient. De la part des critiques ou de l'Academy. Alors j'étais vraiment sur la défensive avec Boyhood. Je n'aurais pas accepté qu'il soit mal reçu. C'était un projet trop personnel. J'ai grandi avec ce film, on a grandi avec ce film. Et d'ailleurs, aux USA, il y a une loi qui dit qu'on ne peut pas signer un contrat qui s'étale sur plus de 7 ans. Mais chacun d'entre nous a continué à venir tourner. Même sans contrat. On avait donné notre parole. On y croyait. Quand j'y repense, c'est vraiment quelque chose de totalement différent, dans toute ma carrière.

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Detour Filmproduction

Quelle est la pire audition dont vous vous souvenez encore ?
Il y a eu cette audition vraiment terrible, où je suis venue pour jouer une Italienne, qui devait faire de la batterie. J'avais délavé mes cheveux, je portais un joli débardeur blanc, j'étais très à l'aise. Je commence à jouer devant les gens du casting. Sauf qu'à un moment, ils m'ont dit : Ok, donc pour les scènes de danse, vous nous montrez ? Mais moi, je ne savais pas qu'il fallait danser. Et là, plein de danseurs professionnels sont rentrés dans la salle, et ils ont commencé à faire leur truc. J'étais terrible, je me cognais dans tout le monde, je commençais à suer, mon débardeur était trempé... Et finalement, le réalisateur a dit stop. Merci d'être venue. C'était vraiment horrible.

Au début de votre carrière, vous aviez des doutes ? Vous pensiez pouvoir arriver aussi haut ?
Ma mère avait des doutes. Moi aussi, forcément... je ne pensais pas arriver à un tel succès. Mais ma mère aurait préféré que je devienne docteur, ou avocate. Mais moi je voulais y croire, me donner un an ou deux pour réussir. Et puis je suis devenue maman. Et ça a tout changé pour moi. Je ne pouvais plus échouer. A partir du moment où j'avais une bouche à nourrir à la maison, ça m'a donné une force gigantesque pour m'accrocher.

Toute cette gloire, cette célébrité, c'est effrayant parfois ?
Je suis très heureuse d'être devenue une actrice à succès. Parce que j'ai grandi avec un père acteur. Et je le voyais galérer. Il ne savait pas quand il allait travailler, ramener de l'argent à la maison. Après, il y a du pour et du contre dans la célébrité, mais j'accepte la totalité et je suis très reconnaissante d'y être arrivée.

Quand vous avez commencé, il paraît qu'on vous a demandé de changer votre sourire. C'est vrai ?
Oui, on m'a fait cette suggestion à plusieurs reprises au début de ma carrière. On me disait qu'il y avait un problème avec mes dents... Mes parents étaient d'ailleurs prêts à me payer un appareil dentaire, alors qu'ils n'en avaient pas les moyens. Mais franchement, je ne voulais pas avoir l'air d'être parfaite. J'avais déjà le sentiment d'être sexualisée dans ce monde, d'être une petite brunette que les hommes reluquaient. Ca me mettait très mal à l'aise. Alors je n'avais surtout pas envie de me transformer en une espèce d'idéal masculin. Je voulais rester une personne normale. Et ne pas avoir à passer ma vie à combattre une sorte de fantasme.

Dans votre famille, tout le monde est acteur. Comment ça se fait ?
A tous les coups c'est génétique ! Ils trouveront peut-être un jour ce gène de la comédie qui est dans ma famille ! Non, plus sérieusement, on a grandi ensemble, on jouait ensemble quand nous étions petits. On se mettait déjà en scène. 

Vous avez vécu aussi en coloc' avec Rosanna Arquette, quand vous étiez plus jeune...
Je suis effectivement partie de chez mes parents, qui habitaient Los Angeles, pour aller retrouver ma soeur un peu plus loin dans la Vallée. On a vécu ensemble pendant 6 mois. Elle tournait déjà un peu à l'époque et pour la première fois, j'ai eu du temps pour moi. J'en ai profité pour écrire un peu, pour voir des films cultes, avec James Dean... C'est comme ça que j'ai commencé à apprendre à jouer et à aimer le calme.

Quel regard vous portez sur l'évolution de la place des femmes à Hollywood ?
Je crois que c'est en train de changer, mais c'est un travail toujours en cours. On voit bien qu'il y a de plus en plus de place pour les femmes dans l'industrie. Par exemple, dans The Act, tous les épisodes ont été réalisés par des femmes. C'est la première fois que ça m'arrivait. Ceci étant dit, je ne crois pas qu'on soit totalement encore à l'égalité.

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Vous évoquez de The Act, une mini-série qui est sortie cette année, après Escape at Dannemora, qui était déjà une mini-série. On ne vous verra plus dans un drama traditionnel, sur 22 épisodes par saison, comme à l'époque de Medium ?
Le truc avec les séries classiques, c'est que cela vous prend 8 mois de l'année à chaque fois. On bosse 18 heures par jour, après il faut rentrer, apprendre son texte. Il y a des semaines où on ne dort que deux heures par nuit. C'est épuisant. Alors à un moment dans la vie, on n'en peut plus. Le corps ne suit plus. D'autant que dans Medium, j'étais dans toutes les scènes ou presque. Franchement, je ne pourrais plus tenir ce rythme, aujourd'hui, physiquement. Je ne voudrais plus être la star centrale d'un show pendant 16 épisodes par an. Ce n'est pas très sain je crois à la longue.

En parlant de tournage épuisant, votre expérience sur Escape at Dannemora, filmée dans une prison, ça devait être rude, non ?
C'est vrai qu'on a beaucoup tourné dans l'enceinte d'une vraie prison. C'était très lourd. Très dur. Parce qu'on peut se faire tuer n'importe quand. Tout le monde est en danger en prison. Personne n'est libre dans une prison. D'une manière ou d'une autre, tout le monde est prisonnier, même les gardiens, qui comptent les jours jusqu'à la retraite ! Ces vieilles prisons sont vraiment glauques, déprimantes, elles font froid dans le dos. C'était vraiment très dur de déconnecter à la fin de la journée, après le tournage. D'autant que cette prison était le centre de la ville. Il n'y avait rien autour, hormis une quincaillerie, notre motel et un KFC. C'était dur, très intense...

Quelles séries vous regardez en ce moment chez vous ?
Je regarde assez peu de séries, parce que je travaille mes textes et après je vais me coucher. Mais j'ai été une grande obsédée de Game of Thrones, comme tout le monde sur Terre. Et en ce moment, je regarde Chernobyl. C'est fascinant. C'est une histoire terrifiante, qui me ramène à mon enfance. Parce que mes parents étaient des activistes, des écologistes, et ils nous emmenaient manifester aux abords d'un canyon où une centrale nucléaire devait être construite. On a campé sur place, on a protesté... Les dangers du Nucléaire ont été très présents dans mon éducation. Ca faisait partie des conversations qu'on pouvait avoir à la maison.

Est-ce que vous avez d'autres projets de série en vue ?
Pour l'instant, non. Je travaille sur l'écriture de mes mémoires en ce moment. Mais je suis ouverte à toutes les opportunités. J'aimerais beaucoup tourner en Europe en fait. Ma fille va au lycée en Europe. Et il y a tellement de grands cinéastes européens avec lesquels je n'ai pas encore eu la chance de travailler. J'aimerais beaucoup découvrir la manière dont on fait des films en Europe. Ce n'est pas le même rythme, la même approche qu'à Hollywood et j'ai du mal à comprendre comment c'est fait ici. C'est toute une partie de mon métier que je n'ai pas encore expérimentée.