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Virginie Ledoyen : "on prend vite goût à la sensation particulière d’être filmée par quelqu’un"

Enragés de Eric Hannezo (2015)

<p><strong>Encore un premier film de genre, remake d’un vieux <link node_id="280649"><strong>Mario Bava</strong></link> (Cani Arrabiati, 1974), avec Ledoyen et <link node_id="79493"><strong>Lambert Wilson</strong></link> en otages d’un trio de braqueurs en fuite, dans un univers abstrait, troublant et stylisé.</strong></p><p>« Eric est un fou de cinéma de genre, tous les cinémas de genre. Il a des influences américaines, mais pas seulement. Là, c’est adapté d’un film de Bava, que Pascal (Laugier) m’avait d’ailleurs montré il y a des années. A l’intérieur d’un truc très cadré, très « efficace » tu te retrouves projeté dans une dimension spatio-temporelle indéfinie, un pur univers de cinéma. L’essentiel du film, c’est ces cinq personnages coincés dans la voiture, les corps serrés qui se touchent, ce que suscite la présence d’une femme dans un contexte pareil, la musique à la Moroder… Sur un film de braquage qui tourne mal, Eric arrive à distiller une mélancolie troublante, une forme de désenchantement. Mon personnage est encore enceinte, comme dans 80% de ma filmo, va savoir pourquoi. Et c’est encore un premier long. Franchement, je ne me dis jamais « aidons les jeunes cinéastes ». Mais j’aime les metteurs en scène qui te parlent. Et la première fois, ils parlent beaucoup, ils sont enflammés, portés par leur désir de cinéma. Et ça, pour les acteurs, c’est ce qu’il y a de plus séduisant. »</p><p>Bande-annonce de <link object_id="4465771">Enragés</link></p>

Mahjong de Edward Yang (1996)

<p><strong>Ledoyen s’est tellement imposée comme « la petite Française » que quand le génial auteur taiwanais de <link object_id="140913">A Brighter Summer Day</link> cherche à en caster une, son nom est une totale évidence. L’actrice passe quatre mois à Taipei, pas lost in translation.</strong></p><p>« J’étais à une expo au MoMA, j’attendais <strong><link object_id="76347">Olivier (Assayas)</link></strong> assise par terre, quand ce grand type est passé et m’a regardée. Le soir, je me retrouve face à lui à dîner : c’était Edward. On s’est revu plus tard à Kyoto, on faisait la tournée des festivals, lui avec <em>A Brighter Summer Day</em>, ce film sublime, nous avec <link object_id="143381">L’Eau froide</link>. Des mois passent, et Olivier me fait lire ce scénario sur une Française à Taipei, qui se fait enlever. J’ai toujours pensé que c’est cet épisode où Edward m’a vue, affalée par terre, qui lui a en partie inspiré ce film. Mes deux mois à Taipei sont devenus quatre. Edward est passé dans ma chambre me demander de lui montrer mes habits : il tenait à ce que je porte mes propres affaires. On tournait une semaine sur deux. Puis, il visionnait les rushes, montait, faisait des ajustements. Au bout d’un mois, il a décidé de changer d’acteur. On a tout refait, mais pas à l’identique. Edward ne faisait que ce qu’il voulait, comme il le voulait, quand il le voulait. Ça me rend triste que <link object_id="191977">Mahjong</link> ou <em>A Brighter Summer Day</em> soient invisibles aujourd’hui. »</p>

La Fille seule de Benoît Jacquot (1995)

<p><strong>On ne joue pas les jeunes filles, on est une jeune fille. A 18 ans, en femme de chambre en plein doute existentiel, Ledoyen n’a plus de rivale pour le statut de petite fiancée officielle du cinéma français.</strong></p><p>« Un film de rêve. On tourne dans l’ordre chronologique, c’est en même temps un documentaire sur le fait de faire un film en temps réel, et un documentaire sur l’actrice en train de le faire… J’étais de tous les plans, avec la caméra collée à mes basques, ça m’a décomplexée : après ce film, la caméra n’était plus un « corps étranger » mais une partenaire, comme un acteur auquel on donne la réplique. Et puis c’est la rencontre avec <strong><link object_id="76294">Benoît (Jacquot</link>)</strong>. On prend goût à la sensation si particulière d’être filmée par quelqu’un. Il est difficile d’expliquer pourquoi d’un coup, le regard posé sur toi devient excitant, quand tu sens que le metteur en scène a à la fois une vision claire de là où il emmène son personnage, et qu’il porte en même temps un second regard sur la personne que tu es. Presque vingt ans après, on s’est retrouvé sur les <link object_id="2952796">Adieux à la reine</link> (2012), et c’était drôle de ne plus être la jeune fille. J’avais été l’accompagnée, je devenais l’accompagnatrice. Et c’est une place que j’aime beaucoup. De fait, je ne suis plus cette jeune fille-là. Et tant mieux ! »</p>

L’Eau Froide de Olivier Assayas (1994)

<p><strong>La collection ARTE ‘Tous les garçons et les filles de leur âge’ fait une revue d’effectif du cinéma d’auteur des 90’s. <link object_id="128959">Les Roseaux sauvages</link> de <link object_id="185163">Téchiné</link> et <em>L’Eau froide</em> sortent du lot – et en salles. Ledoyen s’affirme en (sexe ?) symbole d’une génération.</strong></p><p>« Je ne me souviens plus de ma première fois sur un plateau, j’y ai littéralement grandi. Mais je sais que c’est sur <link object_id="143381">L’Eau froide</link> que j’ai compris ce qu’était un ‘metteur en scène’… J’étais plus grande, je voulais à tout prix être dans un film d’Olivier. Le casting a été dur, il cherchait quelqu’un de sauvage, surtout pas un enfant acteur. Et puis il a fini par me choisir, après une longue hésitation « à la Olivier ». Sur ce film, j’ai réalisé qu’on était un vecteur, un moyen d’expression pour le cinéaste, au même titre qu’une caméra, un décor ou une ligne de dialogue. Si je savais que ça faisait partie d’une collection de téléfilms ? Bien sûr, je ne pouvais pas l’ignorer puisque j’avais aussi fait les castings pour tous les autres ! Au moins pour Les Roseaux sauvages, en tout cas. J’étais admiratrice de <strong><link object_id="76001">Doillon</link></strong>, <strong>Téchiné</strong>, <strong><link object_id="76294">Jacquot</link></strong>, <strong>Assayas</strong>, tout cet univers de cinéma dans lequel la jeune fille avait une place centrale. Et puis les choses ont vite changé, cette génération a été un peu dégommée, remplacée par <strong><link object_id="107993">Desplechin</link></strong>, <strong><link object_id="95909">Cédric Kahn</link></strong>, <strong><link object_id="93527">Beauvois</link></strong>, etc. »</p>

Bon voyage de Jean-Paul Rappeneau (2003)

<p><strong>Appartenant au sous genre du « film d’occupation », <link object_id="128646">Bon Voyage</link> avait la fantaisie, la vitesse, les acteurs (et les actrices !!) pour cartonner. Il aurait pu, il aurait dû, mais reste l’un des bides les plus violents et injustes du cinéma français.</strong></p><p>« <strong><link object_id="90839">Rappeneau</link></strong>, je l’adore. Il est atypique, singulier, il n’ y en a pas d’autre comme lui, et ce n’est pas demain que ça arrivera. Il n’appartient à aucune des chapelles du cinéma français. Il les transcende. La force du film, c’est son côté « le plus grand cirque du monde, » son rythme endiablé, Modiano au scénario… Un film comme ça, c’est de la pure mécanique. Rappeneau est un métronome, avec lui, tout est millimétré, le texte, la virgule, le moindre mot, comment tu dois marcher, marcher vite, parler, parler vite. Rien ne lui échappe. Son film est tenu de bout en bout. Pour moi, tourner avec <strong><link object_id="90325">Adjani</link></strong> ou <strong><link object_id="90326">Depardieu</link></strong>, c’était très impressionnant. Ils ont construit mon goût du cinéma. Adjani dans <link object_id="330501">Possession</link>, quand même, ça marque, rien que sa beauté inouïe, c’est quelque chose d’assez fou. Mais ça ne ressemblait pas à un passage de relais entre générations. C’est juste que Rappeneau est intemporel. Tu ne peux pas dire si c’est un cinéaste d’une autre époque ou contemporain. Et c’est sans doute en partie ce qui a dérouté le public. »</p>

La Plage de Danny Boyle (1999)

<p><strong>Le grand saut international, la Thaïlande, les amourettes à l’écran (et peut-être pas que) avec Leonardo, le grand vertige people et hollywoodien. En maillot de bain, Ledoyen décide finalement de ne pas plonger et de rentrer à Paris.</strong></p><p>« C’est un film hybride, très noir, mal compris, sans doute parce qu’après Titanic et Trainspotting, personne ne s’attendait à un truc pareil. Je jouais le love interest de <strong>Di Caprio</strong>, avec tout ce que ça a pu susciter de notoriété, des couvertures de magazines, de contrats pub etc. Di Caprio est quelqu’un de très intelligent, super cinéphile, <strong><link object_id="75747">Scorsese</link></strong> était son idole et il était déjà clair qu’il n’était pas question pour lui de se cantonner à un rôle de « beau gosse ». En plus, il ne se vit pas comme ça : il est grand, un peu gauche, a tendance à s’empâter un peu… Sur <link object_id="137447">La Plage</link>, il fallait qu’il s’entraîne comme un malade pour perdre quelques kilos, être musclé etc. Après ce film, j’ai fait la tournée des agents, des directeurs de casting etc. Mais ce n’était pas la vie dont j’avais envie. J’avais sans doute aussi un petit peu peur. Et puis il faut dire que je jouais la jolie Française en maillot : les propositions que j’ai reçues ensuite n’étaient pas passionnantes. Ce n’est pas comme si j’avais été pourchassée par <link node_id="105530"><strong>Paul Thomas Anderson</strong></link>. Faut remettre les choses à leur place… »</p>

Saint Ange de Pascal Laugier (2003)

<p><strong>L’actrice prend tout le monde de cours en tournant le premier long-métrage d’un surdoué du cinéma de genre. Dans ce film de couloirs sombres et d’enfants fantômes, elle se révèle une extraordinaire silhouette gothique.</strong></p><p> « <strong><link object_id="96739">Pascal</link></strong> venait d’une toute autre cinéphilie. Quand je l’ai rencontré, je lui ai même dit : ‘<em>Mais tu n’aimes rien de ce que j’ai fait !</em>’ Je crois que c’est justement ce qui l’intéressait. Et puis, c’était assez malin de sa part, ça devenait une espèce de challenge, il allait quand même falloir qu’il finisse par bien m’aimer… Il avait une fougue incroyable, c’était son premier film, j’allais voir ce que j’allais voir, jamais on ne m’aurait filmée comme ça ! Et c’était vrai : il m’a filmée différemment, au sein d’un cinéma certes très codé – le côté <strong><link object_id="59874">Argento</link></strong>, <link object_id="458140">Suspiria</link>, la fille brune à la peau blanche, tout ça – mais surtout parce qu’il a une façon bien à lui de filmer les personnages féminins, on l’a vu ensuite dans des films comme <link object_id="779026">Martyrs</link> ou <em>The Secret</em>… Je ne sais pas à quel point il se rendait compte que le film renvoyait à <link object_id="133632">La Fille seule</link> : une fille enceinte qui marche dans les couloirs, ouvre des portes etc. Moi, j’en avais conscience. Lui… tu penses bien qu’il déteste tout particulièrement le cinéma de <strong><link object_id="76294">Benoît Jacquot</link></strong> ! »</p>

Ma 6-T va cracker de Jean-François Richet (1997)

<p><strong>L’« autre » film sur la banlieue des années 90. Ledoyen allume le générique clope au bec, arme au point et avec un chien insolent qu’on ne lui connaissait pas. Peut-être ce qu’elle a fait de mieux en terme de pure présence iconique.</strong></p><p>« J’avais vu <link object_id="384852">Etat des lieux</link> (1996) et pris une claque. C’était ma génération. Coïncidence : deux jours après, je pars à un festival. C’était un de ces avions affrétés par UNIFRANCE : tout le cinéma français à bord, on était chez nous. Et il y avait ce type, dans son coin, avec sa casquette, regardant les gens de travers. On a discuté, discuté, il m’a raconté son parcours hors norme. Quelque temps plus tard, il me demande de participer à <link object_id="128049">Ma 6-T va cracker</link>. Il n’y avait pas de rôle, juste ce générique. C’était très important que ce type si différent dans sa façon de se situer au sein du cinéma français fasse de moi son porte-drapeau, au propre et au figuré, alors que j’étais très marquée « auteur ». Je ne sais pas si c’est ce qu’il y a de mieux dans le film. Mais c’était clairement le manifeste de ce à quoi il voulait que le film – et son cinéma – ressemble. Ensuite, on a fait <em>De l’amour</em> (2001), sur une fille enceinte qui se fait violer par un flic en garde à vue. De ce sujet radical, politique, violent, il parvient à tirer un film tendre. »</p>

Une autre vie de Emmanuel Mouret (2013)

<p><strong>Jamais où on l’attend, Ledoyen tourne un thriller post-Peckinpah (the Backwoods de Koldo Serra, en 2007), deux Veber et deux films de <link node_id="101886"><strong>Emmanuel Mouret</strong></link>, face au cinéaste dans <link object_id="779038">Un baiser s’il vous plaît</link> (2007), puis face à JoeyStarr.</strong></p><p>« <strong>Emmanuel Mouret</strong> ressemble à ses films. Ni pompeux ni pédant, ce n’est pas un cérébral, ce qui peut paraître bizarre vu la rhétorique de ses films, qui parlent de désir amoureux, de fidélité etc. JoeyStarr, j’étais fan du chanteur et je n’ai pas été surprise qu’il se révèle un tel acteur. Il a un truc hors norme, un magnétisme incroyable, il bouffe l’écran. Face à lui, on le sent tout de suite. J’ai été épatée que Mouret le prenne : la première fois qu’il ne joue pas dans un de ses films, il choisit comme pendant à l’écran son contraire absolu, physique, culturel, tout. Et ça marche ! JoeyStarr, on le dit « ingérable, » il est un peu comme un enfant, il faut le conduire, quelqu’un le réveille le matin, s’occupe qu’il se couche le soir etc. A la base, on imagine qu’on s’expose à des ennuis… Mais sur ce film, rien, pas l’ombre d’un souci, que ce soit sur son texte, les horaires etc. Rien. Il est très gentleman, respectueux, profil bas, très curieux, même hors plateau sans doute aussi parce qu’il évoluait là au sein d’un cinéma qu’il connaît peu. »</p>

La filmo commentée de Virginie Ledoyen

<p>Symbole du « jeune cinéma d’auteur » du début des années 90, <link node_id="97183"><strong>Virginie Ledoyen</strong></link> s’est réinventée en femme actrice explorant tous les recoins du cinéma français contemporain. A l’affiche de <link object_id="4465771">Enragés</link> de <link node_id="2022290"><strong>Eric Hannezo</strong></link>, elle revisite sa filmo.</p>

Symbole du « jeune cinéma d’auteur » du début des années 90, Virginie Ledoyen s’est réinventée en femme actrice explorant tous les recoins du cinéma français contemporain. A l’affiche de «Enragés de Eric Hannezo, elle revisite sa filmo.