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La bataille juridique entre le réalisateur et Paulo Branco continue.

Après des années de galères, Terry Gilliam a pu tourner L’Homme qui tua Don Quichotte l’an dernier. Mais même maintenant que son film est bouclé, le réalisateur n’est pas certain de pouvoir le sortir au cinéma : l’un de ses producteurs, Paulo Branco, via sa société Alfama Films, a porté plainte contre lui, et la semaine dernière, celui-ci a également assigné en justice les organisateurs du festival de Cannes, car ils ont sélectionné ce long métrage porté par Jonathan Pryce, Adam Driver et Olga Kurylenko. Don Quichotte devrait sortir au cinéma le samedi 19 mai, soit le jour de sa diffusion, en clôture du festival. La requête sera examinée le 7 mai, soit la veille de son ouverture.

Terry Gilliam et Don Quichotte : La fin de plus de 20 ans de galères ?

Le président de cette 71e édition, Pierre Lescure, et le délégué général, Thierry Frémaux, ont réagi à cette décision via un communiqué officiel, confirmant ainsi leur soutien envers Terry Gilliam.

"Le 25 avril, M. Paulo Branco et sa société de production Alfama Films ont demandé à la justice d’interdire la projection prévue le samedi 19 mai du film The Man Who Killed Don Quixote de Terry Gilliam, en clôture du Festival de Cannes 2018.                                                                                                                                                                                                                            

La requête sera examinée en référé le lundi 7 mai prochain, veille de l’ouverture du Festival.

M. Branco ayant jusque-là beaucoup occupé le terrain médiatique et juridique, il nous semble important de faire valoir les raisons qui nous ont conduits à sélectionner le film et à encourir l’attaque d’un producteur dont l’avocat, M. Juan Branco, aime rappeler que son image et sa crédibilité se sont essentiellement bâties sur ses innombrables présences à Cannes, et par sa proximité avec de grands auteurs consacrés par le Festival. Ce qui est vrai, et ajoute à notre perplexité.

Cet hiver, et alors que The Man Who Killed Don Quixote allait nous être présenté par Terry Gilliam, par Kinology Films, le vendeur du film et Océan Films, qui le distribue, M. Branco nous a informés du litige qui l’opposait au réalisateur, suite à la rupture ayant suivi leur collaboration sur la pré-production du film.

Les contentieux tels que celui qui oppose M. Branco à Terry Gilliam ne sont pas rares, le Festival en est régulièrement informé, mais il ne lui appartient pas de prendre position sur un sujet de cet ordre. Ainsi, après vision, et alors qu’une sortie simultanée du film semblait possible, nous avons décidé de faire figurer cette œuvre en Sélection officielle.

Le Festival de Cannes a pour mission de choisir les œuvres sur des critères purement artistiques et une sélection doit se faire avant tout en accord avec le réalisateur d’un film. C’est le cas. Nous étions prévenus des recours possibles et des risques encourus, dans une situation déjà rencontrée dans le passé mais en l’occurrence, lorsque notre décision a été prise, rien ne s’opposait à la projection du film au Festival.

Nous n’avons donc pas agi à la légère ni opéré le moindre « passage en force », comme M. Juan Branco le dit à la presse. Le « passage en force », chacun sait dans notre métier que cela a toujours été la méthode favorite de M. Branco dont il faut rappeler qu’il organisa il y a quelques années une conférence de presse pour dénoncer le Festival de Cannes qui n’aurait pas tenu une « promesse de sélection » sur un de ses films. Accusation qui fit long feu, le Festival ne faisant pas des promesses de sélection : il sélectionne ou non. Aujourd’hui, M. Branco laisse son avocat procéder à des intimidations ainsi qu’à des affirmations diffamatoires aussi dérisoires que grotesques, dont l’une vise l’ancien Président d’une manifestation dont il s’est servi toute sa carrière pour établir sa propre réputation.

Le Festival de Cannes respectera la décision de justice à intervenir, quelle qu’elle soit, mais nous tenons à redire qu’il se tient du côté des cinéastes et en l’espèce du côté de Terry Gilliam dont on sait l’importance qu’a pour lui un projet qui a connu tant de vicissitudes. Provoquées une dernière fois par les agissements d’un producteur dont l’épisode fait définitivement tomber le masque et qui nous promet désormais, par la voix de son avocat, une « déshonorante défaite ».

La défaite serait de céder à la menace. Au moment où deux cinéastes invités en Sélection officielle sont assignés à résidence dans leurs propres pays, au moment où le film de Wanuri Kahiu, Rafiki, qui figure en Sélection officielle, vient de subir les foudres de la censure du Kenya, son pays de production, il est plus que jamais important de rappeler que les artistes ont besoin qu’on les soutienne, pas qu’on les attaque. Cela a toujours été la tradition du Festival de Cannes, et cela le restera.

La projection en clôture du Festival est soumise à la décision que prendra le juge des référés à l’issue de l’audience du 7 mai prochain. La sortie du film en France reste pour l’instant programmée le samedi 19 mai, sur 300 copies.

C’est avec sérénité que le Festival de Cannes attendra la décision du Tribunal.

Pierre Lescure, Président, & Thierry Frémaux, Délégué général."

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L’Homme qui tua Don Quichotte : le Festival de Cannes sera assigné en référé

Et voici la réponse de la société Alfama Films :

"Trois décisions judiciaires ont confirmé les droits exclusifs de Paulo BRANCO et d’ALFAMA FILMS PRODUCTION sur le film de Terry GILLIAM, « The man who killed Don Quixote ». Ces décisions ont l’autorité de la chose jugée et empêchent toute projection ou exploitation du film sans l’accord de son producteur.
L’exploitation du film est impossible en l’absence de visa d’exploitation que le CNC, pour sa part respectueux du droit, ne peut délivrer.

Le Festival de Cannes a décidé de passer outre ces décisions de justice qui avaient été portées à sa connaissance et c’est la raison pour laquelle c’est lui qui a été assigné en justice. Il y a de l’indécence, pour justifier son comportement, à comparer la situation de Terry GILLIAM, qui se refuse à respecter les décisions judiciaires dans un Etat de droit, à celle de réalisateurs victimes de la répression et de la censure dans leurs pays.
Le Festival de Cannes oublie aussi manifestement que sans les producteurs, qui prennent tous les risques économiques, ni les films ni le Festival n’existeraient.

Pendant seize ans de 2000 à 2016, Terry GILLIAM n’a trouvé aucun producteur acceptant de reprendre son projet. Si ce film existe aujourd’hui, c’est grâce au travail et aux investissements réalisés par ALFAMA FILMS PRODUCTION et Paulo BRANCO, quand personne ne croyait plus à ce film. Le Festival de Cannes n’est pas au-dessus de la loi et la virulence et l’agressivité de son ton n’y changeront rien. Paulo BRANCO n’emploie aucune méthode d’intimidation en saisissant la justice pour faire respecter ses droits.

Claire HOCQUET, Avocate d’ALFAMA FILMS PRODUCTION

Paulo BRANCO

Juan BRANCO, Branco & Associés"

Don Quichotte est "étonnamment génial" selon Terry Gilliam

Bande-annonce :