Marina Foïs César
Capture d'écran

À quoi ressembleront les premiers César en pleine pandémie? Comment célébrer le cinéma alors que les salles sont fermées? Et faudra-t-il revenir sur la précédente édition? Marina Foïs, maîtresse de cérémonie de la cuvée 2021, nous raconte sa vision de cette soirée évidemment pas comme les autres.

Pourquoi aviez-vous refusé la présentation des César il y a quelques années, et qu’est-ce qui vous a fait accepter cette 46e édition ?
Marina Foïs : Ah, bonne question. J’avais effectivement décliné, il y a longtemps, une proposition de Dominique Farrugia. À l’époque, je ne me sentais pas légitime... Elle est piégeuse cette question, parce que ça veut dire que maintenant, je m’estime légitime. (Rires.) En fait, à un moment, l’envie devient plus forte que la peur. Je pense aussi que le fait qu’on soit dans une année très compliquée, bizarrement, m’a motivée. Qu’est-ce qu’on a à perdre, en fait ?

Peut-être qu’on vous attend encore plus au tournant que lors d’une année « normale »...
Mais qui m’attend au tournant ? Pour quoi faire ? Je ne suis pas une criminelle, je ne suis pas responsable du PIB de la France. Je ne vis pas ce métier-là ainsi, sinon je pourrais être attendue au tournant à chaque film. C’est boring de vivre avec cette idée-là. Et puis c’est mégalo. Je ne suis pas si importante qu’il y ait un tournant à prendre avec moi. Les vrais enjeux sont ailleurs. 

Où sont-ils cette année à votre avis ?
Ils sont multiples. Vis-à-vis du public, vis-à-vis de l’Académie [des arts et techniques du cinéma], des votants, des gens qui font du cinéma... Si on pouvait redonner un tout petit peu envie, ce serait pas mal. On peut être conscients des difficultés et des privilèges, et être heureux d’être là, ensemble, tout simplement. La crise de l’année dernière était intéressante parce que personne n’était d’accord, et il était insupportable pour tout le monde de ne pas l’être. C’était impossible pour les gens d’être assis côte à côte. C’est ça, qui a été ressenti très violemment. Une vraie crise familiale. Mais les crises, ce n’est pas plus grave que ça. Ce sont des étapes nécessaires dans la vie d’un groupe. Plusieurs problèmes cohabitaient, dont celui de la gouvernance des César, qui a été réglé assez vite grâce à la tribune [publiée en février 2020 dans Le Monde par de nombreuses personnalités du cinéma]. Ensuite, il y a eu le vote de nouveaux statuts, d’une nouvelle assemblée générale, d’un nouveau conseil d’administration, d’une nouvelle direction... Tout ça, c’est fait. Le mouvement ne s’est pas interrompu. Et puis, il y avait bien sûr l’affaire Polanski, qui est devenue un symbole, inévitable, et qui a largement impacté la cérémonie elle-même. Alors qu’à mon sens, elle dépasse la cérémonie et le monde du cinéma.

Comment rebondit-on là-dessus ?
Pourquoi on rebondirait ? Je ne sais pas si on est obligés. On peut aussi se dire que plein de choses sont actées et que le monde avance. Prenez la question de la parité : aujourd’hui, l’Académie est strictement paritaire dans ses instances. Dans le collège des votants, un système paritaire est en train d’être mis en place et 500 nouveaux votants ont été recrutés parmi les courts-métragistes, avec plus de diversité, de jeunes, de femmes... Tout ça est en mouvement. On pourrait décider qu’on n’est pas obligés de venir commenter et recommenter ce qui a été fait.

Donc il n’y aura pas de piques sur ces sujets ?
Des « piques »... D’abord, ce n’est pas tout à fait l’état d’esprit dans lequel on travaille. On ne s’interdira rien, mais je ne suis pas sûre qu’on ait des piques ciblées à faire. Envers qui ? En signant la tribune, je suis montée au créneau contre un système qui me déplaisait, qui n’était pas viable politiquement et très à la traîne par rapport à ceux qui font le cinéma aujourd’hui. Je n’ai pas de têtes à couper ou de gens à flinguer personnellement... Non, ça ne m’intéresse pas.

Mais écrire vos textes avec des gens comme Blanche Gardin et Laurent Laffite, qui n’ont pas peur de dépasser, d’aller au-delà de ce qui est considéré comme convenable, c’est...
(Elle nous coupe.) Je reviens sur l’idée de « piques ». Ça ne me paraît pas être un vocabulaire juste, et c’est très loin de notre intention. Laurent et Blanche, ils ne bossent pas de cette manière. Il s’agit de dézinguer des absurdités, de rire de nos limites, de nos impuissances, de nos conneries, de nos ego... C’est un projet bien plus vaste que de « lancer des piques ».

Le mot était mal choisi, mea culpa.
Pas de problème, mais vous voyez où je veux en venir ? Laurent et Blanche sont hyper intelligents et très cultivés. Pour rire, c’est pas mal de ne pas être complètement ignorant. (Rires.) Ils n’ont pas de limites, mais ce sont des gens avec un gros affect. Et je pense qu’il est là, l’équilibre rare. Comment vous résumer notre intention... J’ai pensé à la « règle des 3D » inventée par Alain Chabat : danse, dénonce, déconne. J’aimerais en être à la hauteur. Je crois par ailleurs qu’il y aura des paroles plus politiques et plus « premier degré », car il ne faut pas s’empêcher le premier degré. Et je pense remettre la cinéphilie au centre de la soirée, avec beaucoup d’images de cinéma. Mais sans grosses conneries ou sans gros dérapages, tout le monde se ferait chier. C’est l’occasion, en nous auto-célébrant, de nous auto-moquer et de rire de ce qu’on est. Ces soirées, elles sont sexy quand elles sont comme ça.

L’intégralité de l’interview - où Marina Foïs revient sur les décisions du gouvernement concernant la fermeture des cinémas, la possibilité que les César se déroulent dans une salle vide et son besoin de nuances dans le féminisme - est à lire dans le numéro de Première actuellement en kiosque, avec Eddie Murphy en couverture. Le magazine est également disponible sur notre boutique en ligne et sur l’Application iOS.

La 46e cérémonie des César aura lieu à L’Olympia le 12 mars prochain, et sera retransmise en clair et en direct sur Canal+.