Révélations ciné étrangères 202O: Eliza Scanlen, Itsaso Arana et Camila Morrone
Wilson Webb- 2019 CTMG/ Los Ilusos Film/ Wayna Pitch

Elles et ils sont américains, espagnole, tunisienne, marocaine, québécoise, australienne et chinois. Cette année a changé le cours de leurs destins

ITSASO ARANA (Eva en août)

Portrait rohmérien en diable d’une héroïne comme perdue à l’intérieur d’elle- même, les 130 minutes d’Eva en août fut un des ravissements cinématographiques de cette année 2020. Un pur film d’été à l’ambiance mélancolique portée par une actrice éblouissante, l’espagnole Itsaso Arana, si juste et si naturelle qu’on pouvait presque croire qu’il s’agissait là d’un documentaire sur elle.


NAJLA BEN ABDALLAH (Un fils)

Dans l’épatant premier long métrage de Mehdi M. Barsaoui sur un couple qui explose dans une course contre la montre poignante où se joue la survie de leur fils risquant de mourir si on ne lui greffe pas rapidement un foie, on se délecte tout à la fois de la puissance de l’intrigue, du regard pertinent sur une Tunisie en plein printemps arabe et de la force de l’interprétation. Où à côté du toujours parfait Sami Bouajila, on découvre la saisissante Najla Ben Abdallah, révélée en Tunisie par la série Maktoub mais qui trouve ici son premier rôle majeur à l’écran.


MICHAEL ANGELO COVINO (The Climb)

Il est tout à la fois le co- producteur, le réalisateur, le co- auteur et le co- interprète principal (avec son ami de dix ans Kyle Marvin) de The Climb, une comédie très allenienne, aussi attachante que grinçante sur une amitié toxique entre deux hommes. Coup de cœur du Jury Un Certain Regard à Cannes en 2019, Michael Angelo Covino y fait montre aussi de son amour pour le cinéma français, au gré d’influences parfaitement digérées comme Le Grand amour de Pierre Etaix.


NISRIN ERRADI (Adam)

Devant la caméra de Maryam Touzani, cette comédienne marocaine a impressionné dans le rôle d’une jeune femme célibataire enceinte espérant faire adopter son bébé naissance et livrée à elle- même en attendant qui vient frapper à la porte d’une pâtisserie pour trouver un travail. La puissance de ce beau film politique et sociétal sur le système patriarcal qui étouffe le quotidien des femmes au Maroc repose beaucoup sur l’intensité de sa composition de ce personnage stoïque en dépit des épreuves.


MELINA MATSOUKAS (Queen & Slim)

Réalisatrice de clips très recherchée (pour Beyoncé, Rihanna…), elle signe avec son passage au cinéma une passionnante réflexion sur la figure du héros noir américain des temps modernes dans les pas d’un couple naissant – sorte de Bonnie & Clyde à leurs corps défendant de l’époque #blacklivesmatter – forcé à jouer les hors- la- loi. Et ce après avoir abattu, pour se défendre, un policier particulièrement agressif lors d’une arrestation suivant une infraction mineure de circulation. Suspense, politique et love story y sont entremêlés avec une virtuosité jamais prise en défaut et un souffle épique à la hauteur de ses personnages flamboyants


CAMILA MORRONE (Mickey & the Bear)

Si ce film d’Annabelle Attanasio sur la relation complexe entre un vétéran de la guerre d’Irak accro aux opiacés et sa fille réussit à transcender les archétypes de la tragédie familiale vue et revue, il le doit à son interprète féminine principale. Cinégénie fascinante, justesse jamais prise en défaut, capacité à emporter chaque scène hors des sentiers battus, Camila Morrone réussit des débuts qui rappelle la révélation de Jennifer Lawrence dans Winter’s bone. On lui souhaite la même carrière.


ANDREW PATTERSON (The Vast of night)

Hommage malicieux à La Quatrième dimension, son premier long métrage (à voir sur Amazon Prime) met en scène un DJ radio et une standardiste qui mènent l’enquête sur une possible arrivée d’aliens dans leur petite ville au cœur des années 50. Film fauché et pourtant incroyablement riche à l’image et en mouvements de caméra, The Vast of night révèle un réalisateur diablement inventif et remarquable directeur d’acteurs.


NAHEMA RICCI (Antigone)

Cette Québécoise de 23 ans a crevé l’écran en Antigone dans la relecture contemporaine de la tragédie de Sophocle signé Sophie Deraspe. A l’aise comme un poisson dans l’eau dans une ambiance rappelant l’univers d’un Xavier Dolan ou d’un Jean- Marc Vallée, celle qui rêve de tourner avec Céline Sciamma - dont elle a adoré Portrait de la jeune fille en feu – y fait preuve d’une incandescence renversante.


ELIZA SCANLEN (Les Filles du Docteur March, Le Diable tout le temps)

On vient tous de vivre une année de dingue. Mais Eliza Scanlen, encore plus que tous les autres.  Premier rôle sur grand écran en janvier 2020 : celui de la plus jeune des sœurs March chez Greta Gerwig. Premiers pas à Broadway avec Du silence et des ombres. Second rôle saisissant d’orpheline sous l’emprise d’un pasteur dans Le Diable tout le temps. La jeune comédienne australienne, repérée en petite sœur psychopathe d’Amy Adams dans la série Sharp objects, a brillamment réussi ses premiers pas sur grand écran. Et provoquera un nouveau choc en 2021 avec sa composition d’ado amoureuse atteinte d’une maladie incurable dans Milla. Son premier premier rôle.


GU XIAOGANG (Séjour dans les monts Fuchun)

L’un des plus grands films de l’année 2020 était sorti le 1er janvier. A 31 ans, le chinois Gu Xiaogang a posé la première pierre - déjà imposante - d’une saga familiale dans la Chine contemporaine. En 2h20 aussi intenses que captivantes, il se hisse sur les traces d’Edward Yang, Hou Hsiao-Hsien ou Jia Zhangke par sa mise en scène maîtrisée et cette caméra toujours à bonne distance de l’intime. C’est peu de dire qu’on attend les prochains volets de cette œuvre chorale avec impatience.