Rose McGowan et Natalie Portman
ABACA PRESS

Accusée de n'être pas vraiment une femme engagée, l'actrice se défend.

C’est le genre de message auquel on ne s’attendait pas. Ce mardi, l’actrice Rose McGowan, l’une des premières à avoir dénoncé les atteintes sexuelles d’Harvey Weinstein à Hollywood, s’en est pris à Natalie Portman dans un long post Facebook incendiaire. L’actrice de Boulevard de la mort lui reproche de faire semblant d’être engagée dans la cause des femmes, faisant référence à la cape noire que portait l’actrice lors de la 92e cérémonie des Oscars, le 9 février dernier. Unetenue brodée des noms de plusieurs réalisatrices qui avaient, selon elle, été injustement écartées de la sélection 2020. Parmi elles, les noms de Lorene Scafaria (Queens), Lulu Wang (L’Adieu), Céline Sciamma (Portrait de la jeune fille en feu) ou encore Greta Gerwig (Les Filles du Docteur March).

 

"Quelques réflexions quant à la ‘protestation’ de Natalie Portman aux Oscars. Le genre d’actrice qui obtient des critiques élogieuses de la part des médias mainstream pour son courage. Courageuse ? Non, loin de là. Je la vois plutôt comme une actrice qui joue la comédie et se fait passer pour quelqu’un d’engagé. Comme tant d’autres.

Je trouve l’activisme de Portman profondément offensant vis-à-vis de ceux qui s’investissent vraiment. Je n’écris pas ces mots sur le coup de l’amertume, je les écris car je suis dégoûtée. J’aimerais juste qu’elle et d’autres actrices finissent par avancer.

Natalie, tu as travaillé avec deux femmes réalisatrices dans ta très longue carrière – tu fais partie de l’une d’entre elles. Tu as une société de production qui a engagé précisément une seule femme réalisatrice – toi.

C’est quoi le problème avec les actrices de ton acabit ? Vous, les élites, vous pourriez changer le monde si vous preniez position au lieu d’être le problème. Oui, toi, Natalie. Tu es le problème. Les paroles en l’air sont le problème. Le faux soutien aux autres femmes est le problème. Comme je l’ai écrit dans mon livre Brave, ce qui se passe derrière l’écran, se passe à l’écran, et entre dans le monde. Et c’est une maladie envahissante qui a besoin de sa propre médecine. Ce que tu fais nuit au monde, Natalie. Tout comme ce que tu ne fais pas.

Je te prends à partie car tu es la dernière d’une longue liste d’actrices qui jouent le rôle de femmes qui se soucient des autres femmes. Des actrices qui, soi-disant, bataillent pour les femmes, mais qui en réalité ne font pas grand chose. Bien sûr, les femmes du monde entier vont continuer d’acheter les parfums dont tu fais la promotion, les films que tu fais, et penseront qu’elles achètent un peu de qui tu es. Mais qui es-tu ?

J’étais présente à un événement appelé Women in Film où tu as parlé une fois, Natalie. Tu y as débité des statistiques déprimantes, et puis on est tous retourné manger notre salade. J’ai rapidement réalisé que toi et les autres femmes qui y ont pris la parole (et cette organisation n’est rien d’autre qu’une blague) sont juste… des usurpatrices. Tu ne dis rien, tu ne fais rien.

Il n’existe pas de loi qui dise qu’il faut engager des femmes, travailler avec des femmes, ou soutenir les femmes. Par tous les moyens, tu te débrouilles. Mais ce que je demande, c’est d’arrêter de prétendre que tu es une sorte de championne pour qui ce soit d’autre que toi-même. Quant à moi, je continuerai d’élever ma voix et de me battre pour que les choses changent sans aucune compensation en retour. C’est ça, l’activisme.

En attendant que toi et tes consœurs actrices soient honnêtes, faîtes-nous à toutes une faveur et allez ranger vos capes brodées d’activistes, elles ne tiennent pas bien."

Oscars 2020 : Natalie Portman a fait broder sur sa tenue le nom des réalisatrices snobées

L’actrice oscarisée pour son rôle dans Black Swan en 2011 n’a pas tardé à répondre dans un communiqué, relayé par plusieurs médias comme Deadline. Une réponse longue elle-aussi, mais plus sobre, où Natalie Portman reconnaît volontiers que son action n’était pas "courageuse", et où elle affirme qu’elle aurait aimé travailler avec d’autres réalisatrices.

"Je suis d’accord avec Madame McGowan, il est inexact de me dire ‘courageuse’ sous prétexte que je porte un vêtement avec des noms de femmes inscrits dessus. Le courage est un terme que j’associe plus aux actions des femmes qui ont témoigné contre Harvey Weinstein ces dernières semaines, sous une pression incroyable.

Ces dernières années ont vu fleurir des opportunités de réalisation pour les femmes, grâce aux efforts collectifs de nombreuses personnes qui ont dénoncé le système. Le cadeau a été ces incroyables films. J’espère que ce clin d’œil (que je leur ai fait) ne détournera pas l’intention de leurs prouesses.

Il est vrai que je n’ai fait que quelques films avec des femmes. Dans ma longue carrière, je n’ai eu la chance de travailler avec des réalisatrices que quelques fois – J’ai participé à des courts métrages, des publicités, des clips et autres apparitions dans des œuvres de Maya Cohen, Mira Nair, Rebecca Zlotowski, Anna Rose Holmer, Sofia Coppola, Shirin Neshat and moi-même.

Malheureusement, les films non réalisés que j’ai essayé de faire sont de l’histoire ancienne. Comme l’a rapporté Stacy Smith de USC, les films réalisés par des femmes sont très difficile à produire, ou à financer de façon indépendante. Si ces films finissent par être faits, les femmes font face à des challenges énormes pendant leur réalisation. Il m’est arrivé plusieurs fois d’aider des femmes à être engagées en tant que réalisatrices sur des projets qu’elles étaient ensuite obligées d’abandonner à cause des conditions de travail qu’elles subissaient.

Une fois réalisés, les films faits par des femmes ont du mal à être projetés en festivals, à trouver un distributeur et à recevoir des récompenses, à cause des barrières qui se dressent à tous les niveaux.  

Ce que j’ai envie de dire, c’est que j’ai essayé et que je vais continuer d’essayer. Si je n’ai pas encore réussi, je reste optimiste quant au fait que nous marchons vers un nouveau jour."