Bacurau
Victor Jucá

Prix du jury à Cannes, une dystopie politique dopée aux psychotropes dont le résultat, brouillon, déçoit.

Comme dans Aquarius, où une sexagénaire intrépide refusait de vendre son appartement chargé de souvenirs à des promoteurs immobiliers menaçants, il est question dans Bacurau de territoire et de résistance. L’action se passe dans un futur proche, « d’ici quelques années », dans le village de Bacurau, région du Nordeste au Brésil, dans un trou paumé menacé par un gang de mercenaires surarmés, qui entendent carrément rayer le village de la carte. Les habitants refusent de se résigner et préparent l’affrontement... Le monde imaginé par Kleber Mendonça Filho, qui cosigne le film avec son chef décorateur Juliano Dornelles, est extraordinairement riche et séduisant : s’y bousculent le souvenir du cinéma novo et du cinéma de genre américain anar à la Carpenter (l’école du village s’appelle « Joao Carpenteria »), des envies de western « tripant » à la Jodorowski, des clins d’oeil SF (ces drones qui planent au-dessus des personnages et évoquent de vieilles soucoupes volantes fifties) et une volonté, forcément réjouissante, de partir en guerre contre l’impérialisme et les forces répressives qui menacent le Brésil. Mais ces éléments épars ne coagulent jamais vraiment dans cette fable privilégiant les digressions et les ruptures de ton, au point de s’abîmer parfois dans des parodies de série Z (les scènes avec les gros bras menés par Udo Kier). Après la sensation de perfection voluptueuse que procurait Aquarius, la déception est grande. Reste un évident appétit de cinéma qui, on l’espère, sera mieux canalisé dans le film suivant.

Bacurau, en salles le 25 septembre 2019.

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