Avec Anina, portrait d’une fillette qui se sent différente parce que son nom entier (Anina Yatay Salas) est un palindrome, l’uruguayen Alfredo Soderguit fait une entrée remarquée dans le monde de l’animation. Douceur des traits, joyeuseté des couleurs, poésie du rendu (entre papier découpé et marionnettes animées)… Anina est un enchantement visuel ainsi qu’une invitation stimulante pour les petits à réfléchir sur leur place dans le monde.Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?Je suis né en 1973 en Uruguay, à Rocha, à quelques kilomètres de l’Océan Atlantique. Toute ma scolarité élémentaire s’est déroulée dans le public comme Anina. Mon premier job, à 18 ans, était de peindre à la main des t-shirts durant l’été. Ca m’a rapporté suffisamment d’argent pour payer mes études et m’installer à Montevideo… J’ai fait les Beaux-Arts où j’ai notamment étudié l’animation dans une classe multimédia. Vers 1998, j’ai commencé à travailler en tant qu’illustrateur de livres. J’ai aussi été membre d’un collectif qui faisait des vidéos et des installations. Mon travail est le reflet de toutes ces expériences.Comment avez-vous « rencontré » Anina ?En 2002, je travaillais pour un éditeur chez lequel j’ai rencontré Sergio López Suárez qui a demandé à ce que j’illustre son roman, Anina Yatay Salas.Votre adaptation est-elle différente du roman ?C’est pareil pour l’essentiel. Il y a juste des dialogues additionnels. L’inspiration a commencé à venir quand j’ai imaginé les 18 illustrations du livre. C’était le premier « art concept » du film en quelque sorte. Le défi a ensuite consisté à définir un univers visuel sensitif et une atmosphère sonore qui collaient au personnage.Votre animation me fait penser à du papier découpé. Comment êtes-vous parvenu à avoir ce rendu numérique particulier ?Nous avons utilisé plein de techniques artisanales et il existe désormais des logiciels numériques qui permettent de tout mixer parfaitement. Je suis d’une génération qui maîtrise bien les deux outils. Je me souviens que mes premières illustrations étaient à la peinture à l’huile. Puis j’ai commencé à utiliser le numérique tout en préservant mes goûts et mes intentions. Il y a dix ans environ, j’ai illustré un livre de poésie de cette façon quand l’éditrice m’a dit qu’elle trouvait super mon travail 100% fait main ! Le meilleur compliment qu’on puisse me faire.Le type d’animation d’Anina est moins dynamique qu’allégorique et poétique. Pensez-vous que les enfants, gavés de cartoons américains, sont prêts pour ce genre de proposition ?Anina a été acheté par 35 pays pour des résultats très satisfaisants. Il a récolté plus de vingt prix (la plupart du public) dans des pays aussi différents que le Brésil, l’Australie, l’Argentine et l’Iran… Je pense que l’histoire est consistante, l’identification avec les personnages est à mon sens plus directe et authentique que dans les films que vous citez.Êtes-vous d’accord si je vous dis que c’est un film qui oppose l’archaïsme et la modernité, l’imagination et la réalité ?Entre autres. Nous avons aussi voulu parler de la façon dont nous voyons les autres, la façon avec laquelle nous affrontons nos peurs et nous rebellons contre toute forme d’autorité. Comment en définitive nous transformons l’égoïsme en générosité. L’idée est de montrer à quel point le monde est grand et mystérieux pour une fillette de dix ans.Michel Ocelot a souhaité la bienvenue à Anina, « la petite sœur uruguayenne »...C’est un grand honneur qu’il l’associe à Kirikou. Les deux personnages partagent une même vision de la fraternité et, au-delà, de l’humanité.Pour moi, ce sont des incarnations poétiques de l’enfance qui symbolisent la tolérance sans imposer de modèle.Absolument d’accord. Merci de cette remarque.Sur quoi travaillez-vous en ce moment ?Nous sommes en pourparlers avancés pour faire des séquences animées pour des documentaires. Nous travaillons par ailleurs sur le scénario de notre prochain film d’animation, une histoire sur des enfants de la campagne qui vivent une aventure mystérieuse pendant que survient une catastrophe naturelle.Christophe NarbonneAnina d'Alfredo Soderguit sort en salles le 30 septembre.
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- Anina : "Je pense que l'identification avec mes personnages est plus authentique qu'avec les cartoons américains"
Anina : "Je pense que l'identification avec mes personnages est plus authentique qu'avec les cartoons américains"
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