DR

Première : Souvent, vous inventez des histoires (The Truman Show, Bienvenue à Gattaca) qui révèlent plus que ce que vous montrez. C’est particulièrement vrai ici où une bonne partie de l’action a lieu dans des containers.Andrew Niccol : Sauf que cette fois, je n’ai rien inventé. Le sujet était trop outrageux en soi pour ne serait-ce que l’imaginer. Prenez l’emplacement des cellules de pilotage de drones, à l’extérieur de Las Vegas : dans la réalité, c’est l’armée américaine qui l’a choisi, pour des raisons intéressantes. Le paysage environnant ressemble beaucoup à celui de l’Afghanistan, ce qui rapproche les pilotes de drones de leurs cibles, même s’ils en sont éloignés de dizaines de milliers de kilomètres. Tout est très factuel. Et j’ai fait en sorte que ça le reste. Je ne voulais pas que l’histoire en souffre.Comment vous êtes-vous documenté ?L’armée ne nous a pas du tout aidés. Il s’agit d’une vérité inconfortable pour eux. Ils préfèreraient la garder sous le tapis le plus longtemps possible. J’ai parlé à d’anciens pilotes de drones qui m’ont parlé de leurs expériences et aidé à construire des plateaux corrects en termes d’équipements et d’instruments de contrôle. A ce propos, c’est encore quelque chose que je n’ai pas inventé, les militaires ont utilisé la technologie des jeux vidéos playstation. Les plus jeunes pilotes me disaient qu’après avoir combattu les talibans à distance pendant douze heures, ils rentraient chez eux à Las Vegas sur le strip pour jouer à des jeux vidéo ! Je ne l’ai pas mis dans le film parce qu’on aurait trouvé ça invraisemblable.Ils sont nombreux à devenir fous comme le personnage d’Ethan Hawke?Oui. Il y a surtout des burnouts parmi ceux qui quittent le programme. Ils sont soumis à de longues périodes d’ennui total, jusqu’à ce que quelque chose d’horrible arrive. On demande aux pilotes de faire ce qu’ils n’ont jamais fait auparavant. Normalement, ils lâchent leur missile, et s’en vont. Là, on leur demande de tirer, et de rester pour observer ce qui se passe (les drones peuvent voler pendant 24 heures d’affilée).  On appelle ça "Damage assessment", et ça consiste à compter les morts. On peut aussi leur demander de tirer encore un autre missile. C’est une manière de faire la guerre totalement différente. Il n’est pas étonnant que ça cause des DPT (désordres dus au stress post traumatique).Qu’avez-vous découvert sur les drones ?On ne peut pas dire que les drones sont bons ou mauvais, pas plus que l’internet. C’est l’usage qui en est fait qui est discutable. Ils sont extrêmement précis. Si vous visez une maison, vous pouvez être sûre qu’elle sera touchée. Encore faut-il que ce soit la bonne maison. Obama était au pouvoir depuis seulement 3 jours quand il a ordonné une frappe sur un immeuble taliban. Le problème c’est que ce n’était pas des talibans. Neuf civils sont morts. Mais c’est beaucoup plus précis que les tapis de bombes et le napalm. Et ça aide à protéger les troupes au sol contre les embuscades. Il y a des avantages. En fin de compte, ça rend la guerre plus facile, moins coûteuse, et donc probablement sans fin. Peut-être que les troupes quitteront l’Afghanistan, mais les drones jamais. C’est trop facile de s’en servir pour faire la police.C’est au-delà de la SF.Oui. Et un autre aspect, c’est que cette guerre des drones ne peut avoir lieu que dans un "espace aérien incontesté". Si les talibans avaient une aviation, les drones ne dureraient pas une journée. Maintenant, les drones s’améliorent, et ils peuvent décoller d’un porte avions. Les US sont le seul pays au monde à soutenir en majorité la politique de drones . En GB, qui est impliquée aussi, le public est en majorité contre.Comment avez-vous reproduit les containers ?On les appelle Ground Control Stations, ou stations de contrôle au sol. On peut en charger une avec deux drones dans un avion porteur Hercules et l’installer n’importe où dans le monde en 24H. Mais les militaires se sont rendu compte qu’ils n’avaient pas besoin d’emmener les gens au sol. Les seuls dont on a besoin sur place sont ceux qui permettent de décoller et d’atterrir. Mais sitôt en l’air, le contrôle est transféré à Las Vegas. Il y a des dizaines de ces salles de contrôle. Et 50 drones dans le ciel 24H/24. Je les ai reconstruits, mais ils ressemblent exactement à ça.L'histoire de Good Kill, en salles le 22 avril : Le Commandant Tommy Egan, pilote de chasse reconverti en pilote de drone, combat douze heures par jour les Talibans derrière sa télécommande, depuis sa base, à Las Vegas. De retour chez lui, il passe l’autre moitié de la journée à se quereller avec sa femme, Molly et ses enfants. Tommy remet cependant sa mission en question. Ne serait-il pas en train de générer davantage de terroristes qu’il n’en extermine ?La bande-annonce de Good Kill :