Jusqu’à présent, dans vos films, vous faisiez le constat de l’évolution de la Chine contemporaine. Cette fois vous allez plus loin en montrant les conséquences extrêmes de ces changements. Qu’est-ce qui vous a fait franchir ce cap ?L’accroissement brutal des bouleversements dans la société chinoise, qui a provoqué l’émergence de deux maux. D’une part, la destruction du tissu social qui bloque la communication entre les individus et, d’autre part, une injustice sociale consécutive à la mauvaise répartition des richesses. Ce qui aboutit à ces violences extrêmes et subites que je montre dans mon film.Vous avez choisi de montrer cette violence à travers les points de vue de quatre personnages. Pouvez-vous nous détailler ce que chacun représente ?La première histoire établit un rapport direct entre les problèmes de la société et leur impact sur l’individu qui passe à l’acte. Encore une fois, c’est le résultat d’une trop grande disparité dans le partage des ressources. Le deuxième sketch raconte la solitude psychologique de quelqu’un dont le revolver est devenu le seul moyen de montrer qu’il existe. Dans le troisième segment, une employée va utiliser la violence pour retrouver la dignité qu’on lui a volée. Enfin, un jeune garçon va se servir de cette force de destruction pour la retourner contre lui-même.Quelle logique a déterminé l’ordre des parties ?J’ai commencé par l’histoire se situant dans la province la plus septentrionale de la Chine, qui est aussi la plus paysanne et la plus désolée. Ensuite je suis descendu vers le sud, en passant par le sud-ouest et le centre. Plus on avance et plus le pays apparaît moderne et industrialisé.On note une rupture stylistique assez forte avec vos précédents films. Est-ce l’influence de Takeshi Kitano, dont la société a produit A Touch of Sin ?Je travaille avec Office Kitano depuis mon deuxième long métrage, Platform (2001), et, à l’époque, je ne mettais pas du tout en scène la violence ni rien qui pouvait ressembler à ses films. C’était plutôt de la musique romantique.A Touch of Sin risque-t-il d’être censuré en Chine ?On a obtenu le visa de la censure, le film est donc autorisé à être distribué en salles. C’était l’une de nos inquiétudes. En Chine, nous sommes plusieurs réalisateurs à lutter pour qu’existe un système de classification afin de préserver notre liberté de création. Concernant A Touch of Sin, je mettrai de moi-même un avertissement pour informer les spectateurs que le film comporte des scènes choquantes.Interview Gérard DelormeA Touch of Sin de Jia Zhang-Ke, avec Wu Jiang, Wang Baoqiang, Zhao Tao, en salles le 11 décembre : Voir aussi notre review du film à Cannes