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Avec vous, il n’y a plus ce lourd décorum slave.Oui pas de folklore ! Monter Tchekhov c’est être au présent. La question que pose Tchekhov est : « C’est quoi l’état de l’homme contemporain ? » et avec chaque pièce, il propose un nouvel axe de questionnement et de réponse. Socialement, nous sommes au même stade qu’à l’époque de Tchekhov. Une société qui se brise. On est dans le hoquet de l’Histoire.C’est pourquoi les pièces de Tchekhov nous parlent toujours.Elles parlent de choses essentielles. Comment fait-on pour vivre aujourd’hui ? Comment vit-on ensemble ? Il aborde ces sujets a priori banals, mais ce qui ne l’est pas, c’est la manière dont il les traite. Tchekhov disait : « Avec “La mouette”, j’écris non sans plaisir à l’encontre de toute dramaturgie. » ou encore « Il faut effrayer le public, c’est tout. Il sera alors intéressé, et se mettra à réfléchir une fois de plus. »Pourquoi vouloir monter tout Tchekhov ?Ce n’est pas une entreprise folle. Quand j’ai décidé de remonter La Mouette, c’était pour moi le dernier spectacle, et ensuite je ferais autre chose de ma vie. Mais voilà, il y a eu les acteurs, l’accueil des spectateurs, j’ai décidé de continuer et d’aller jusqu’au bout et de tout monter, avec la même équipe. Je veux voir jusqu’où et comment nous pouvons traverser ces rôles, ces histoires, ces vies… avec les mêmes êtres humains.Vous commencez par un cycle avec La Mouette et Oncle Vania.Le théâtre de Tchekhov fonctionne par deux. Ivanov et Platonov sont de facture traditionnelle. La Mouette et Vania bougent les codes. Les trois Sœurs et La Cerisaie sont des pièces de troupe. On va finir par les deux premières. Plus celles en un acte qui sont des croquis, des fragments.Votre mise en scène installe le théâtre dans le théâtre.Les lumières de la salle restent allumées pendant le spectacle. Nous travaillons et nous continuerons à travailler sur un principe scénographique unique, allusif, un espace de répétition, avec seulement ce qui est utile pour jouer la pièce, pour mettre en lumières le sens, montrer la pensée. Il s’agit aussi de changer la manière de regarder, en laissant au spectateur son libre arbitre. Il n’y a pas d’illusions, on montre comment ça marche.La scène de l’Athénée est très différente de celle du Studio.Oui, et c’est justement passionnant. Le temps que nous avons nous permet de nous réapproprier le théâtre à l’italienne et les enjeux de cette forme. Cela met notre travail en perspective. Le Studio, lui, est un outil créé, il y a dix-sept ans, à l’image de ce que je fais. Nous nous sommes approprié cet espace pour en faire un outil de compréhension de soi et du monde. Nous y reprendrons, en novembre, les deux Tchekhov.