Jordan Mintzer, du Hollywood Reporter, nous donne son avis sur le festival de Cannes.A l’occasion du festival de Cannes, toute la presse française est active sur la Croisette. Mais elle n’est pas la seule ! Premiere.fr a pu s’entretenir avec Jordan Mintzer, journaliste au Hollywood Reporter. Le journal, référence outre-Atlantique et véritable bible du business Hollywoodien, s’intéresse beaucoup au festival. Nous avons voulu avoir le point de vue de la presse américaine sur cet événement pas si « frenchie » mais vraiment international.Par Yérim Sar.Vu des US, on en pense quoi de la sélection française du 64ème festival de Cannes ? Il y a des films auxquels je ne m’attendais pas, comme Polisse, Pater ou L’Apollonide… bref, tous les films en compétition (rires). Même si Bonello est un peu connu en France, il ne l’est pas beaucoup à l’étranger. C’est intéressant, ces trois films ont l’air expérimentaux, très différents de ce qu’on a l’habitude de voir en compétition. Dans l’ensemble c’est une sélection assez éclectique. Avec quelques vraies surprises. Téchiné à la Quinzaine et pas en compétition, cela m’a surpris par exemple.Je voulais surtout avoir votre avis sur le Honoré. Les Chansons d’amour projeté il y a quelques années avait vraiment créé un fossé entre critique française (qui avait adoré) et américaine (qui avait détesté)…Je n’étais pas au festival cette année là. Il  y a des différences culturelles, c’est évident. Prenez Tournée de Mathieu Amalric, présenté l’année dernière : comme d’autres critiques anglo-saxonnes je n’avais pas apprécié, alors que la presse française s’était emballée. C’est une question de goût et peut-être d’habitude : Amalric est plus connu ici que là bas. C’est clair et c’est normal : certains films divisent beaucoup les critiques, surtout quand ils sont de différentes nationalités. Cette année La Conquête va plus intéresser la presse française que la critique US parce que la politique d’ici, on ne connait pas très bien.Justement, quel est votre sentiment sur ce film ?Il marque une vraie révolution dans la psyché française. C’est sans doute lié à la télévision : la série A la maison blanche intéresse les Français, comme 24,  qui met en scène le président. Ces séries ont sans doute libéré des choses. Jusque là, en France on ne mettait pas assez en scène l’actualité politique… Vous n’avez pas fait un seul film sur l’intervention française en Afghanistan - peut-être des documentaires, mais pas de fiction. J’ai l’impression que pour vous, seul le documentaire pouvait traiter de la réalité. La Conquête va forcément provoquer du débatLe cinéma américain est très peu présent cette année à la Croisette…Il y a Tree of life de Terrence Malick et Drive, de Nicolas Winding Refn. Refn est danois, mais c’est une production américaine. Ceci dit, ce n’est  pas un gros studio et ce n’est pas le prototype du film hollywoodien. Peu de films indépendants américains ont été sélectionnés de toute façon, à peine 3 ou 4. Pour les gros studios il n’y a que Pirate des Caraïbes 4  et Kung fu panda 2, hors compétition. Je pense que les majors ont peur d’avoir un film américain avec des stars mal reçu. Ca peut être très risqué pour la sortie en salle. L’année dernière, pour Fair game de Doug Liman les réactions n’étaient pas très enthousiastes. Et il se trouve que le film n’a pas très bien marché au box office. Je ne dis pas que c’est directement lié, mais les studios ne voient pas l’intérêt de lancer un film à Cannes. Si les critiques n’aiment pas, c’est un risque énorme. Quant aux indépendants, à part Sundance et Toronto, les festivals ne s’y intéressent plus beaucoup. Et ils ont raison. Ce sont souvent des petits films, regardés par un public restreint, qui ne sait pas ce qui se passe ailleurs. Bien sûr, il existe encore de très bons films de ce type. Mais c’est un système clos, sorti des États-Unis ça n’intéresse pas grand monde.Comparé aux autres festivals, quel regard porte la presse américaine sur Cannes ?C’est le plus important. Le Hollywood Reporter va faire un quotidien tous les jours, on est 25 sur place. Ce n’est pas le cas pour Berlin, Venise ou Toronto. En général tous les gros films d’auteurs, les grands noms sont sur la Croisette. C’est un peu le Superbowl des films d’auteur : très connu, très regardé… Mais comme c’est loin et que les films sortiront plus tard, le public outre-Atlantique suit beaucoup moins. Aux Etats-Unis c’est réservé à l’industrie du cinéma, aux critiques ou aux cinéphiles.