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Il y a des films qui donnent tout, tout de suite (Sibyl ce mois-ci, par exemple), d’autres qui s’envisagent comme des matières plus ou moins dormantes où les choses se cristallisent après coup. En l’espèce, Bertrand Bonello, réalisateur de films de cette seconde catégorie (De la guerre, Nocturama...), s’attaquant à une histoire de morts-vivants paraissait logique. La grâce de sa mise en scène flottante et charnelle n’empêchait pas sur le papier le gore de surgir. Nous voici à Haïti dans les années 60. Un homme tombe en pleine rue. Très vite, un cercueil et une procession. La caméra se place dans le noir tombeau. Le mort est vivant. Pénombre. L’homme sorti de terre devient un être soumis. Sans transition, un panoramique montre des lycéennes vaguement somnolentes pendant un cours sur le sens du mot « révolution ». France, de nos jours, lit-on. Nous sommes dans un pensionnat de jeunes filles bien nées. Jacques Tourneur voire Wes Craven d’un côté. Sofia Coppola ou Peter Weir de l’autre. Quelque chose infuse d’un territoire à l’autre. Quoi au juste ? Une croyance ? Une malédiction ? Un sacrifice ? L’une des lycéennes est la petite-fille du zombi haïtien. Un zombi plus mélancolique qu’affamé qui vient corriger la figure de pop star généralement accolée à ladite créature (cf The dead don’t die). La mise en scène capte une atmosphère qu’on aimerait toutefois plus envoûtante et forcément un peu plus dévorante. L’emprise des ténèbres – pour paraphraser le titre d’un bon film de Wes Craven sur la question – n’a malheureusement pas vraiment lieu.