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Etablissant des allers-retours permanents entre le désir et la mort, le cinéaste exalte l'impossibilité du contact physique (un voile, un scotch ou un pansement viennent toujours s'interposer entre les corps). Mais, parallèlement à ce constat d'échec, Tsai Ming-liang fait triompher la coexistence de deux sources d'inspirations culturelles : la « seconde Nouvelle Vague taïwanaise », dont il fait partie, et la Nouvelle Vague française, à laquelle il rend hommage à travers la figure tant aimée de François Truffaut, qui revient plusieurs fois dans le film.
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En plein trip arty, le Taïwanais a enregistré une série de tableaux insolites qui ont plus leur place dans un musée d’art contemporain que dans une salle de cinéma. Pas de scénario, mais le dossier de presse donne une idée de ce qui a pu convaincre les producteurs de mettre la main au portefeuille : Lee Kang-Sheng, l’acteur fétiche du cinéaste, incarne un réalisateur qui cherche à tourner Salomé en France.
Toutes les critiques de Visage
Les critiques de Première
Les critiques de la Presse
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Tsai Ming-liang a fait de Léaud un clochard céleste, un poète habité, un fantôme éternellement jeune quoique blessé par la vie, un être magique qui ne pouvait se satisfaire de l’existence du commun des mortels. Certes, on pourrait trouver cela romantique, ridicule. Mais regardez seulement ce que fait Léaud dans le film : rien avec lui n’est anodin. On ne sait jamais vraiment s’il joue ou s’il se joue. La présence de Fanny Ardant à ses côtés, les apparitions drôles de Nathalie Baye et de Jeanne Moreau, les photos de Truffaut ne font qu’ajouter à cette danse poétique à Paris, menée de main de maître, souvent “à la Godard” des années 80, par la fraîcheur et le tranchant du regard de Tsai Ming-liang.
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Dans Visage, les personnages ne parlent presque pas, non parce qu’ils s’expriment dans des langues différentes mais parce que les fantasmes qu’ils développent se passent de mots et que l’essentiel de leurs émotions transparait sur leurs visages. Pour l’admirateur de Truffaut, qu’est Tsaï Ming-Liang, celui-ci a parfaitement su tirer de ses comédiens le meilleur, à l’instar des considérations de son réalisateur de référence : « L’acteur qui joue un personnage est plus important que le personnage ». Des interprétations subtiles, dans une atmosphère éthérée, à ne plus savoir où sont les frontières du merveilleux, Visage est bien le film le plus abouti de Tsaï Ming-Liang depuis Vive l’amour.
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(...) ce Visage peut aussi se scruter comme un long cortège funèbre amenant au tombeau aussi bien un certain cinéma qu'une folle cinéphilie. On flâne dans la coulisse obscure du Louvre, on s'égare dans les bas-fonds, jusqu'à un boyau inondé où Laetitia entonne son lamento sur le gisant d'un fiancé mis à nu. (...) Diva Casta.
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Visage est un poème d'hiver, de neige et de miroir. A partir d'une commande du musée du Louvre, le réalisateur taïwanais a imaginé une histoire de tournage, sorte de féerie autour du mythe de Salomé [...] Cinéma en panne cocasse - rien ne va, chacun attend ou dort. Ou bien mémoire du cinéma, hommage sensible à un grand absent, François Truffaut, dont Les Quatre Cents Coups ont marqué l'enfance de Tsai Ming-liang. Le souvenir de François Truffaut plane à travers la présence de Jean-Pierre Léaud, mais aussi de Fanny Ardant, de Jeanne Moreau et de Nathalie Baye. [...] Ce film, hélas trop long dans sa seconde moitié, recèle des images de toute beauté.
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ll faut remonter à loin, très loin dans l'histoire du cinéma, pour trouver une actrice dont la beauté irradie à ce point la pellicule. Dans la peau de Salomé, rôle que lui offre Tsai Ming-liang dans Visage, Laetitia Casta rivalise avec les plus grandes stars de l'âge d'or d'Hollywood. [...] La nostalgie est balayée, surtout par le délire pop des tableaux chorégraphiés, par le faste des costumes signés Christian Lacroix et des décors, par la beauté de Laetitia Casta. Propulsée par le cinéaste taïwanais dans la position d'héritière impossible des actrices de Truffaut avec qui elle partage l'écran, l'ancien mannequin pourrait s'effondrer. Mais c'est tout le contraire qui se passe. Cette icône de la culture pop apparaît ici comme le pilier du film, le dernier élément de stabilité dans un monde qui part en vrille. Main dans la main avec Tsai Ming-liang, elle invente la figure de la star de demain.
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Cet éternel dilemme du cinéma d’auteur contraint à la compromission pour pouvoir survivre donne lieu ici à un superbe effet miroir où la mise en scène ose prendre son temps, luxe suprême que ne s’autorisent plus que quelques rares créateurs. "Visage" est une déambulation erratique et visionnaire ponctuée çà et là d’étonnants intermèdes musicaux qui célèbrent la beauté de Laetitia Casta en une étourdissante mise en abyme.
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Ses interminables 2h20 se résument à une succession de tableaux parfois sublimes mais à travers lesquels Tsai Ming-Liang dévoie son génie, en laissant traîner les scènes comme gage de sa virtuosité. Visage à ceci d'agaçant que chacun de ses plans semble crier : "admirez-moi". Une art-naque.
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Un hommage à la Nouvelle Vague, et plus précisément à François Truffaut ? Pourquoi pas. Mais le cinéaste taïwanais Tsai Ming-liang s'est perdu dans ce beau projet.[...] Les acteurs s'ennuient : «Je suis fatiguée», se plaint Fanny Ardant. «Moi aussi», lui répond Jean-Pierre Léaud. Et le public aussi d'attendre que Tsai donne un sens à ce qu'il filme.
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Au final, le seul intérêt de Visage est donc d'incarner jusqu'à l'absurde le mécanisme burocratico-mondain qui lui a donné la vie.
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On tente de suivre les errances d’un réalisateur taïwanais venu tourner un film sur Salomé au Louvre. Tsai Ming-liang aligne les scènes interminables et grotesques pendant deux heures vingt de vacuité abyssale. En guise d’hommage à la nouvelle vague, il transforme Jean-Pierre Léaud en vieux bouffon pathétique et Fanny Ardant court après un cerf nommé Zizou! Du Louvre (qui produit le film), on ne voit que les chaufferies où Laetitia Casta se coince la robe. A la fin du film, Zizou est retrouvé. La pauvre bête voulait s’échapper du film. Comme nous.
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Un réalisateur essaie de tourner au Louvre un remake de Salomé. Etait-ce bien nécessaire? [...] On a droit à une fuite d'eau dans la cuisine, au dégivrage d'un frigo en temps réél. Cela doit être de l'art et essai. La preuve: il y a Jean-Pierre Léaud. Il est tout le temps en train de dormir sur sa chaise. C'est lui qui a raison. Au secours.
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En fait de miroir, ce Visage est plutôt un écran de fumée derrière lequel s'accumulent des scènes sans queue ni tête, ne cessant de rappeler la vacuité du projet mis en scène par un réalisateur chéri de la critique, qui pense et qui atteint là les limites d'un univers esthétique ne dépassant pas le bout de la chaise.
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Le naufrage de Visage tient au moins à deux raisons. La mauvaise alliance entre une institution et un cinéaste semblant soudain naviguer sans contrainte. La caution artistique autorise Tsai Ming-Liang à égréner des "visions" ou des "caprices" sans queue ni tête(...). L'autre raison est plus embarrassante. Tsai Ming-Liang succombe, comme Nobuhiro Suwa en son temps, aux sirènes de la nostalgie Nouvelle Vague, et en cette période anniversaire, c'est de circonstance. Mais de là à collectionner les comédiennes de Truffait comme on épingle des papillons au mur, il y a un grand pas.