-
"Ce n’est pas de la publicité, c’est du cinéma !" hurle Luigi sur son frère Mario, alors que Jumpman (le premier Mario historique) joue à une borne d’arcade rétro dans la pizzeria Punch Out décorée de photos des vieux jeux Nintendo. Le film a commencé depuis moins de dix minutes (avec le thème original de Koji Kondo comme amuse-bouche, bien sûr), et il vous intime littéralement l’ordre de ne pas le considérer comme ce qu’il est pourtant, comme ce que le spectateur a payé pour venir voir sur grand écran : une pub géante pour l’univers Nintendo. Comment en aurait-il pu en être autrement ? Les jeux Nintendo sont, par essence, des jeux avant d’être des histoires, des gameplays avant d’être des récits. Il faut donc trouver une sacrée bonne excuse pour transformer Mario en un objet narratif passif, ou, pour parler plus crûment, en film. Bon, il n’y en a pas, et c’est peut-être le principal problème.
Comparé aux jeux, Super Mario Bros, le film ne propose rien de plus, de différent ou de mieux. Comme Zelda ou Metroid, les jeux Mario réaffirment à chaque opus la modernité de leur formule ludique originelle (comme le soulignait Frantz Durupt dans sa critique de Breath of the Wild dans Libération) plutôt que de chercher à se réinventer à tout prix. En se contentant d’être un produit officiel Nintendo, Super Mario Bros raconte une histoire à la fois mollassonne (Bowser veut conquérir le Royaume Champignon parce que) et tarte (Mario veut prouver à son papa qu’il vaut quelque chose en tant que plombier -sérieusement ?), le tout rythmé par des tubes des années 80 comme Take On Me.
C’est ici la rencontre entre le désir publicitaire de Nintendo et la technique Illumination : le studio des Minions étant aux manettes, la technique du film -certes jolie et léchée, mais ni plus ni moins que la plupart des blockbusters animés, entre l’hyperréalisme et le cartoon pur- se résume à des références nostalgiques lourdingues et des petites piques comiques décalées au sein de grandes scènes épiques. La scène d’intro, où les Koopas mettent le siège au château de glace des petits pingouins, est un vrai cas d’école, allant de gags idiots en contrepoint d’une mise en scène ultra épique avec Battle Without Honor Or Humanity (oui, la musique de Kill Bill) en fond sonore… Tout est à ce point désinvolte et détaché que le film semble fait pour pouvoir être regardé avec le minimum de taux d’attention possible : il y a une course-poursuite en kart. Pourquoi ? parce que les personnages veulent se rendre d’un point A à un point B, et que le seul moyen d’y parvenir est d’utiliser des karts sortis de nulle part. Sauf de la volonté de faire une énorme scène à la Mario Kart. Est-ce que le jeu vidéo Mario Kart a besoin de se justifier ? Mais est-ce qu’un film Super Mario Bros a besoin d’être autre chose qu’un produit d’appel utilisant tous les trucs et astuces de l’entertainment rétro doudou voulant cartonner aussi bien auprès de la génération des consoles 8-bit que de leurs enfants ? Sans doute pas, et c’est là que l’on sait que le film va être un tabac et, au fond, on est un peu tristes d’être à ce point débranchés.