-
On avait laissé Nabil Ayouch sur une image : ses héroïnes assises face à l’Atlantique, leurs poitrines se soulevant d’espoir. C’était le dernier plan de Much Loved. C’est aussi celui de Razzia. Exit les prostituées soudées de Marrakech, place à cinq personnages que tout sépare, à l’exception – fondamentale – de leur propension à désirer, s’insurger et s’affranchir. Si l’un d’eux prend place dans les années 80 (un instituteur victime de l’arabisation forcée), les autres se débattent dans la Casablanca d’aujourd’hui. Entre le jeune homme de la médina qui se rêve en nouveau Freddie Mercury, le restaurateur Juif, l’ado coincée dans son statut de privilégiée et la femme (incarnée par Maryam Touzani, également co-scénariste du film) tiraillée entre émancipation et maternité, circule la même recherche goulue de liberté. Ayouch plante littéralement son film dans un Maroc post-printemps arabe et désormais ultra inflammable. Mais portraitiser le réel d’une société marocaine schizophrène et écartelée, rétive aux différences et soumise à de violentes disparités, n’empêche pas la patte vive et romanesque du cinéaste. Ce qui, chez lui, « fait cinéma », tient à sa croyance profonde que la fiction peut changer le monde à travers des héros à la quête insensée. Il investit ses personnages d’une dignité, d’une ferveur à lutter et d’une audace à rêver telles qu’ils en deviennent absolus. Leur poursuite du bonheur devient la nôtre. Et la volonté d’Ayouch d’inciter son pays à la résistance devient universelle.