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Documentaire ou fiction ? C’est précisément un mélange des genres parfaitement orchestré que signe Frédéric Baillif avec La Mif. Une fiction documentée avec soin, au fil d’un travail préparatoire de deux ans où Baillif a construit ce long métrage avec ses jeunes interprètes (toutes stupéfiantes de justesse), entre interviews et ateliers, pour explorer un sujet que tous connaissaient pour l’avoir fréquenté comme éducateurs ou pensionnaires : le quotidien d’un foyer d’accueil pour enfants et ados. La Mif est la version plus sombre, plus intense, plus tendue du récent Placés où une relation sexuelle interdite entre une ado de 16 ans et un garçon de 14 ans va mettre le feu ou poudre. Construit en chapitrages (chacun dédié à différentes pensionnaires du lieu) et dans un jeu de flashbacks et flashforwards – pour offrir des angles différents à certaines situations - admirablement maîtrisés, La Mif réussit à être au plus proche de ses personnages grâce à une caméra qui épouse chacun de leurs mouvements tout en ayant du recul sur ces situations explosives. Baillif ne se fait jamais donneur de leçons. En montrant les dilemmes et les questionnements quotidiens mais aussi la rigidité administrative auxquels une éducatrice qui a voué sa vie à son métier est confrontée, il questionne les notions d’engagement, d’éducation et du rapport à l’autre dans un endroit où le mot apaisement n’a pas cours. Il maîtrise son sujet sur le bout des doigts tout en laissant un souffle de liberté traverser chaque plan. Une telle puissance émotionnelle vous laisse KO debout.