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Quand la dernière ligne droite d’un projet qu’on a en tête depuis 2006 (cf le n° 540 de Première) s’étale sur 6 ans, il y a de quoi abîmer votre désir initial. Mais Maïwenn a résisté à tout et sa passion pour la du Barry - cette fille des rues avide de s’élever socialement sans hésiter à user de ses charmes et dont Louis XV fait sa favorite, en dépit de l’hostilité de la Cour – crève l’écran. A travers elle, Maïwenn se raconte en creux et distille en filigrane sa vision du féminisme – peu en cour aujourd’hui – où les femmes (les filles du Roi, Marie- Antoinette…) peuvent se révéler plus impitoyables que les hommes avec les autres femmes. Tout sauf un robinet d’eau tiède au fil d’une écriture jouant avec les ambiguïtés et les paradoxes de ses personnages, Jeanne du Barry tisse des liens entre hier et aujourd’hui mais sans céder à la facilité des anachronismes. Maïwenn s’y réinvente comme cinéaste. Pellicule 35 mm, caméra posée, plans séquences, elle sort de sa zone de confort dans un geste jamais engoncé. En dépit de scories dès qu’elle flirte trop avec l’artificialité (les filles du Roi envisagées comme les Anastasie et Javotte de Cendrillon), ce classicisme revendiqué offre le plus beau des écrins à son propos et ses interprètes. Un casting remarquable dans les seconds rôles (Benjamin Lavernhe, Pierre Richard…) comme les premiers. Où si Maïwenn séduit par son interprétation ludique traversée de moments déchirants de Jeanne, Johnny Depp, par son charisme, sa capacité à tant dire par un simple regard ou mouvement de corps, règne sur le film sans écraser personne. Par- delà les tensions qui ont pu exister sur le plateau, son Louis XV restera dans les mémoires.