-
Universal ayant, depuis le flop de La Momie, tiré un trait sur le projet « Dark Universe » (un univers partagé de monstres de légende), le projet de reboot de L’Homme Invisibleavec Johnny Depp, enterré dans la foulée, renaît aujourd’hui de ses cendres sous pavillon Blumhouse. L’angle d’attaque ? Une modernisation post-MeToo, sans doute un rien opportuniste (Jason Blum a récemment été critiqué pour ses propos hasardeux sur le manque d’appétence des réalisatrices pour le cinéma d’horreur) mais pas idiote du tout dans son propos. Le fidèle Leigh Whannell (co-créateur de la saga Insidious) s’empare donc du mythe de l’homme invisible pour s’en servir comme d’une allégorie maligne de la prédation sexuelle, de la masculinité toxique et, par ricochet, de l’invisibilisation des femmes dans une société patriarcale. Certes, on sait depuis le Hollow Man de Paul Verhoeven que l’homme invisible est un type infréquentable, mais l’idée, ici, est d’inverser la perspective, et de raconter l’histoire depuis le point de vue de l’héroïne. En l’occurrence, une femme battue qui s’enfuit du domicile conjugal, espère trouver le repos après avoir appris la mort de son mari, mais va bientôt être tourmentée par ledit mari, pas mort du tout en réalité et désormais doué d’invisibilité (c’est un super-scientifique vivant dans une maison hi-tech en bord de mer). Bien sûr, tout le monde va la prendre pour une folle et elle devra se battre, seule, contre l’emprise de ce pervers narcissique particulièrement collant. Elisabeth Moss, en tête d’affiche, poursuit ainsi une filmographie d’une cohérence parfaite, quasi intégralement dédiée au combat féministe, entamée à la télé avec Mad Men, Top of the Lake et The Handmaid’s Tale et désormais prête à prendre d’assaut le box-office.
Les nuits avec son ennemi
Mais si les concepts agités ici sont éminemment modernes et totalement dans l’air du temps, le film se regarde en réalité surtout comme une actualisation des thrillers de persécution domestique qui pullulaient au début des années 90, dans le sillage de Liaison Fatale, type Fenêtre sur Pacifique ou Les Nuits avec mon ennemi. Un inattendu fumet nineties, pas forcément désagréable au demeurant, plane donc sur ces scènes où Moss est poursuivie par ce spectre invisible, une enfilade de séquences de terreur aveugle assez convenues mais plutôt efficaces. Pourtant, le projet révèle vite son indécision thématique quand on comprend que le personnage qui inspire vraiment le réalisateur n’est pas tant la femme traquée que le prédateur, montré comme une espèce d’homme augmenté surpuissant, dans la lignée de son précédent film, Upgrade– Whannell donne tout ce qu’il a dans une scène de carnage dans un hôpital psychiatrique qui paye moins son tribut à H.G. Wells qu’au James Cameron de Terminator 2. Dommage que les moments comme celui-ci, hautement divertissant, soient trop rares dans un film au rythme plat, sans jus, et qui n’arrive jamais vraiment à tenir les promesses de son pitch prometteur.