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Film de commande à l’origine, cette compilation de témoignages poignants et romanesques a incité Jia Zhang-Ke à adopter un style direct. S’éloignant de ses recherches formelles hybrides, il a abandonné la HD pour l’historique 35 mm. Le projet est tourné vers le passé de Shanghai, ville considérée comme l’épicentre des bouleversements brutaux de la Chine. C’est une ballade ponctuée par des extraits de films classiques du cinéma chinois, résolument vivante et dont le mouvement perpétuel est aussi celui dans lequel est pris le pays tout entier.
Toutes les critiques de I Wish I Knew : histoires de Shanghai
Les critiques de Première
Les critiques de la Presse
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Cette histoire, loin de toute vision surplombante, Jia Zhang-Ke la fait remonter par fragments, par l'intermédiaire de mots et de moments évoqués, jamais globalisants ni définitifs, toujours ouverts sur une autre histoire à venir, pas encore dite. Cet avènement d'une parole est en soi un évènement.
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Mais paradoxalement, I Wish I Knew est un film de recueillement : l’évocation du passé qui constitue le cœur du film n’a pas pour dessein de raviver les blessures, les drames, les tragédies, les révolutions culturelles, les trahisons, les crimes politiques, les assassinats, le sang, les souffrances, les exils et les retours.
Il n’y a pas de provocation ni de haine au sein de ce film, si doux qu’il passa relativement inaperçu lors de sa présentation au dernier Festival de Cannes, où il fit un peu figure de film de commande de l’Office national du tourisme de Chine.
Le revoir aujourd’hui, loin des compétitions, des films qui font du bruit, pour le meilleur et pour le pire, c’est retrouver une singularité, le regard sans égal de Jia Zhangke, qui saisit l’énergie qui irrigue un pays et un peuple en plein développement, tout en enrichissant ce saisissement des violences du passé. C’est là que se situe sa beauté délicate et subtile. -
Il serait confortable de justifier l'allure soignée de ce voyage à travers Shanghai en le rapprochant de ce qu'est devenue la ville. Une manière de se conformer à son gigantisme, son ambition, d'être fidèle à son Histoire au passé comme au présent. Mais ces pérégrinations urbaines, aussi fascinantes soient-elles et même si on quitte parfois un peu la ville, ont du mal à trouver du sens. Plutôt, le procédé paraît un peu facile, rapide : d'un côté la parole, la mémoire, les souvenirs, des regards ; de l'autre l'espace, ce qu'il est et parfois devenu (un plan identique filmé à dix années d'intervalles montre la reconfiguration spectaculaire de Shanghai). Entre les deux voies/voix, Jia Zhang Ke peine à articuler des rapports conséquents. Celui qui, de Platform à Still Life, a filmé comme personne le mouvement des choses, du temps, en lien avec sa société, et toutes ses nouvelles politiques, trouve ici ses limites. Plus ennuyeux, le film n'échappe pas à un effet carte postale, que son soutien de l'Exposition universelle 2010 a du mal à démentir. Heureusement contrebalancé par cette capacité à envelopper le temps et faire Histoire, I Wish I Knew (titre inspiré d'un morceau de Nat King Cole entendu dans le film) reste un intéressant portrait de Shanghai. Jia Zhang Ke ne dérange décidément plus le parti, mais ça n'a jamais été son but. Son cinéma n'est pas critique, ou politique, juste un regard clair sur des choses en mouvement.
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Au rayon nouveautés, il faut dire un mot aussi du goût pour l'histoire qui irrigue toute la première partie : le cinéaste s'était peu écarté jusque là du contemporain, et surtout de la jeunesse chinoise des années 2000. I wish I knew, au moins dans un premier temps, n'en a que pour les vieux, visite leurs salons de thé, remontant avec les récits jusqu'à la révolution de 1949, et au-delà. Voilà quelques années qu'on annonce le premier grand film historique de Jia Zhang-ke (aux dernières nouvelles : une production Johnnie To qui pourrait même flirter avec les arts martiaux - autant dire un des projets les plus fous du moment) : I wish I knew vient préparer le terrain tout en refermant, pour l'instant, la série de ses sublimes semi-documentaires. Splendide transition.
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La force de I Wish I Knew réside dans ces témoignages et dans la manière dont Jia Zhangke y insère l’histoire du cinéma chinois, ce qu’il renvoie des histoires privées et collectives. Ainsi voit-on défiler des extraits de films de Lou Ye, Xie Jin, Wong Kar Waï, Hou Hsiao Hsien…, enrichis parfois des interventions des protagonistes, comme c’est le cas pour la chanteuse Rebecca Pan, que l’on retrouve dans Nos années sauvages, de Wong Kar Waï. La larme qu’elle écrase au détour d’une confession n’est plus de la fiction.
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Jia Zhang Ke apporte un éclairage intéressant de l’histoire de Shanghaï par une série de témoignages en plans fixes et de documents d’époque. Pour maîtrisé qu’il soit, son dispositif de plus de deux heures pourra lasser par sa redondance.
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Ce mouvement d'allers-retours entre le documentaire et la fiction est particulièrement réussi quand, après un extrait de Nos années sauvages, de Wong Kar-wai, l'actrice Rebecca Pan se remémore son départ forcé pour Hongkong, soixante ans plus tôt : au bord des larmes, elle demande à Jia Zhang-ke d'interrompre la prise.
D'où vient alors la petite déception ressentie à la découverte de ces « Histoires de Shanghai » ? Paradoxalement, de leur abondance : dix-huit témoignages et autant de destins captivants en moins de deux heures, on frôle le zapping. Surtout quand la confession d'une personnalité aussi importante que Hou Hsiao-hsien (auteur des Fleurs de Shanghai) est réduite à deux petites minutes...
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Réalisé pour l’exposition universelle d’avril 2010, ce documentaire, passionnant par bribes, riche d’idées visuelles et sonores, émeut parfois (cf. la confession de la chanteuse Rebecca Pan). Mais il peut aussi décourager par sa longueur, sa complexité et les plans "fil rouge" sans grand intérêt.
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De par sa richesse et son aspect à la fois historique et humain, ce dispositif est évidemment passionnant et précieux. Pourtant, la somme des témoignages – tous denses et en chinois sous-titré – est telle qu’elle finit par être ardue, sinon indigeste. C’est presque dommage car, comme toujours, le sens de la mise en scène de Jia Zhang Ke est au rendez-vous. Le film est ainsi émaillé d’extraits de films anciens et d’images contemplatives où l’on voit une partie du vieux Shanghai miraculeusement échapper aux grues et cohabiter avec la modernité… sans pour autant renaître. Tout cela est puissant mais un peu monocorde et chargé.