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Axé sur les semaines précédant l’appel du 18 Juin, le biopic de Gabriel Le Bomin confirme la difficulté de faire du général une grande figure de fiction. Incapable de faire jouer de Gaulle tant il le vénérait, Jean-Pierre Melville le représenta brièvement de dos dans L’Armée des ombres pour une scène qui sonne d’ailleurs un peu faux. Fondateur, cet aveu d’impuissance pourrait avoir, sans le vouloir, sanctuarisé l’image du général au cinéma d’où il est singulièrement absent. C’est donc assez fébrilement qu’on attendait le film de Gabriel Le Bomin sur le terrain, précisément, de la représentation. La frustration est encore au rendez-vous. Malgré son nez et son menton factices censés le rapprocher physiquement de son modèle, Lambert Wilson n’arrive pas à restituer la geste gaullienne, cette façon à la fois humble et grandiloquente d’incarner la France. La droiture du personnage, sa pudeur, son lyrisme un peu obsolète en font finalement quelqu’un d’assez peu romanesque, inadapté à la fiction. Les scènes face au rabelaisien Churchill (Tim Hudson) – que de Gaulle tente de rallier à la cause de la France libre – sont sur ce point édifiantes : le côté cabot de l’un met en évidence la raideur de l’autre. Est-ce une question de culture (Churchill a été tellement incarné qu’il est devenu peu à peu une figure pop) ? De capacité (les acteurs français sont moins adeptes de transformisme et de composition que les Anglo-Saxons) ? Difficile de donner une réponse claire. Toujours est-il que ce n’est pas en tentant d’humaniser de Gaulle, à travers ses démêlés avec Pétain et les « défaitistes », et son histoire d’amour trop parfaite avec Yvonne, qu’on « obtient » de Gaulle. Ce film-là reste à faire.