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Comme tous les grands cinéastes américains modernes (ceux du Nouvel Hollywood et leurs successeurs), les frères Coen sont des cinéphiles compulsifs, obsédés par l’âge d’or des studios, qui ont construit leur identité sur les cendres du classicisme hollywoodien. Leur œuvre s’en ressent où se bousculent les hommages très personnels aux grands genres d’antan : le film noir (Sang pour sang, The Barber), le film de gangster (Miller’s Crossing), la screwball comedy (Intolérable cruauté), la fable morale (Le Grand Saut), le western (True Grit)… Avec Barton Fink, ils évoquaient carrément la période bénie des 40s et livraient une critique vacharde du système des studios à travers le personnage d’un écrivain engagé comme scénariste et broyé par la bureaucratie hollywoodienne. Si la Palme d’or 1991 n’est officiellement pas une sorte de prequel d’Ave, César ! ça y ressemble furieusement, comme semble en témoigner le nom du studio qui est identique – Capitol Pictures. Dans les deux cas, les Coen prennent un malin plaisir à caricaturer de vieilles célébrités, reconnaissables malgré leurs pseudonymes absurdes, à défendre la corporation des scénaristes (en réécrivant ici l’histoire de façon savoureuse) et à plonger le héros dans des impasses existentielles qui prennent la forme pour le pieux Eddie Mannix d’un job incompatible avec la morale et l’arrêt de la cigarette. Les ressemblances s’arrêtent cependant là. Quand Barton Fink se muait en drame polanskien, fiévreux et baroque, Ave, César ! reste dans les clous de la comédie de caractères à la The Big Lebowski, genre typiquement coenien avec ses péripéties sans queue ni tête, ses dialogues de sourds et ses crétins en pilote automatique. Ce film quintessentiel, a priori sans surprises, prend tout son sens dans sa description amoureuse de Hollywood, cette nouvelle Babylone peuplée de producteurs omnipotents, de cinéastes capricieux et de stars névrosées, gangrenées par les arrangements mesquins et les faits divers compromettants, qui continue d’exercer sur les Coen une fascination fétichiste. Les films dans le film qui parsèment Ave, César ! somptueusement mis en scène "à la manière de" (Busby Berkeley, George Cukor…), sont à cet égard révélateurs : ils disent sans équivoque le pouvoir indélébile des images et de la mythologie hollywoodienne auxquels les deux frères ajoutent une dimension méta récréative. Regarder Channing Tatum se livrer à un numéro de claquettes crypto-gay procure ainsi un plaisir nostalgique immédiat rehaussé par les références au genre et par le sous-texte sur l’image de l’acteur associée à Magic Mike. Ave, César ! établit, in fine, le constat que malgré la luxure et la médiocrité, indépendamment des rivalités et des pressions extérieures, Hollywood incarne à jamais le cinéma dans toute sa noblesse artistique et populaire que les Coen perpétuent à leur manière. Contrairement à Babylone, l’usine à rêves n’a pas été abandonnée des dieux.
Toutes les critiques de Ave, César !
Les critiques de Première
Les critiques de la Presse
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Ave, César ! respecte le premier commandement d'un réalisateur attribué au vieux maître Billy Wilder : Tu n'ennuieras point.
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(...) un divertimento d’une richesse et d’une liberté admirables, rendant hommage au médium cinématographique tout en exposant sans retenue tout ce qu’il a de plus frivole. Would that it were so simple.
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C'est l'un de mes films préférés consacrés à la réalisation de longs-métrages.
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Une bonne humeur contagieuse, comme d'habitude avec les Coen.
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Joel et Ethan Coen ont accumulé une science du cinéma si compacte qu’ils sont capables de charger chaque plan d’une infinité de significations, d’y mettre d’un seul mouvement un hommage formellement impeccable au genre original et une satire dépourvue de tout respect.
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Ce nouveau regard critique s’inscrit, plutôt qu’en tableau à charge contre la frivolité et les paillettes, comme une malicieuse satire «méta» qui n’ôte rien à l’enchantement de l’entertainment, présenté ici dans tout son artisanat familial rédempteur.
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Pas le meilleur travail des frères Coen, mais le film est une histoire très plaisante, en particulier pour les fans du vieux Hollywood.
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Modeste, riche et touchant pour qui s'intéresse à l'histoire du cinéma, Ave, César est plus Coen modeste que mineur.
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Il y a les films sérieux des frères Coen comme No Country for Old Men et A Serious Man, et il y a les autres. Ave, César ! est le contraire de leurs réalisations sérieuses, et c'est plaisant.
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(...) faussement satirique, il interroge en vérité, autant sur un versant parodique que dans sa chair même, la croyance que l’on peut avoir dans une image fabriquée.
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C'est drôle et divertissant - ni plus, ni moins et sans point d'exclamation.
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La combinaison entre l'habilité derrière la caméra des frères Coen et George Clooney en mode total bouffon, c'est la magie d'Hollywood.
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Bien sûr, les frères Coen n’ont rien perdu de leur savoir-faire : le film claque sur le plan visuel et certains gags font mouche, surtout lors des parodies de tournage. ON attendait mieux des réalisateurs de «The Big Lebowski», plus de mordant dans la satire et moins de grimaces face caméra.
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(...) les Coen proposent une série de séquences hommages et de clins d'œil au western, aux comédies musicales et aquatiques. L'ensemble manque toutefois de souffle et l'on s'ennuie un peu, les séquences hommages ne s'insérant pas très bien dans le rythme du film.
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Foire aux cabots et carrousel des vanités, Hollywood vu par les Coen est un bonheur : ils se moquent de tout, avec talent. On rit avec eux.
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Ave, César ! n'est pas la première comédie des frères Coen qui est un navet. Mais ils n'avaient jamais fait un film aussi bancal et paresseux.
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Ave César ! se développe ainsi comme une succession de scénettes loufoques, dont la cohésion générale semble de moins en moins évidente au gré de l’évolution du récit. Un handicap que ne vient pas soulager la présence éclair de comédiens par ailleurs excellents
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C'est une sorte de résumé des films des frères Coen : le sens est la structure manquante, la bêtise humaine est la star, et seuls les dialogues sont sublimes.
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Alors qu'individuellement certaines scènes sont géniales, elles n'apportent pas grand chose ensemble et font d'Ave César ! l'une des comédies les moins importantes des frères Coen : le film est meilleur qu'Intolérable Cruauté mais très loin du génie de The Big Lebowski.
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On se perd un peu dans les méandres de l’enquête, mais le tandem prend un plaisir évident à revisiter les classiques qui les a fait rêver.
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La causticité de l’analyse et la séduction rétro du pastiche font jeu égal, parfois avec une certaine grâce (...) Par moments tout de même, le récit se disloque un peu en succession de sketches inégalement inspirés et l’enchaînement s’essouffle. Un Coen mineur donc, mais au charme tenace (...)
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Sans pertinence flagrante sur le fond, les Coen retrouvent leur brio dans la pure forme ou avec les détails comiques les plus furtifs (...)
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Ave, César ! devrait plutôt passer sur le petit écran où on pourra savourer sa matière morceau par morceau.
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Les péripéties offrent aux Coen de pasticher différents genres cinématographiques, dont le péplum et la comédie musicale, en une suite de séquences plaisantes, mais pas très amusantes, que le film peine à relier entre elles.
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Un hommage à l'âge d'or hollywoodien qui tient de l'aimable succession de vignettes et qui, faute de mordant, génère une impression tenace de futilité.
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La satire tant escomptée n’est hélas jamais matérialisée à l’écran. Ne demeure qu’un pot-pourri disharmonieux destiné au flair de quelques happy few qui se gargariseront de leur propre cinéphi