Hildur Gudnadóttir a composé la bande originale avant même que le tournage ait commencé, s’inspirant de sons enregistrés dans une centrale désaffectée.
Compositrice notamment de Sicario : La guerre des cartels et du Joker de Todd Phillips, Hildur Gudnadóttir a également signé la partition de la série à succès d’HBO, Chernobyl. Une composition pour laquelle la violoncelliste a été nommée aux Emmy Awards.
La série historique est centrée sur le célèbre incident de la centrale de Tchernobyl. Prenant place plus précisément dans la ville de Pripyat dans l’URSS de 1986, les cinq épisodes relatent sous forme de fiction les événements tragiques ayant conduit à l’explosion d’un des réacteurs, et les conséquences d’un tel drame.
La musicienne a d’ailleurs mis elle-même les pieds dans le nucléaire pour préparer sa musique : un des principaux lieux d’enregistrement était une centrale désaffectée en Lituanie, suffisamment irradiée pour forcer l’équipe à porter constamment des équipements spéciaux, comme elle l’explique à The Hollywood Reporter : "On devait garder presque tout l’équipement sur nous, mais il a fallu laisser les câbles dehors : le contact prolongé avec le sol de la centrale les faisait trop chauffer."
Le succès de Chernobyl irrite la Russie, qui va produire sa propre sérieAyant demandé l’aide d’un ingénieur pour enregistrer sur le terrain, Chris Watson, la compositrice avait pour idée de capturer les sons bruts des lieux et l’atmosphère y régnant. Mais l’expérience a failli ne pas porter ses fruits. En cause, un manque de courant : "On était sur le point d’enregistrer le son dans une salle de pompage, mais il n’y avait pas de prise électrique pour brancher nos appareils. C’est ironique de manquer d’électricité dans une centrale électrique… Mais ça nous a finalement permis de chercher une alternative, et j’ai découvert une porte géniale."
La porte en question émettait des bruits particulièrement aigus. Il n’aura fallu que quelques micros posés directement sur le battant pour capturer les sons. "En fin de compte on les a transposés dans des tons plus graves. Une fois audibles, il a été possible de les orchestrer et les faire rentrer dans la composition. J’ai utilisé ces sons dans la musique des funérailles qui accompagne les images de l’hôpital avec les victimes de radiations."
C’est à la fin des épisodes que la musique d’Hildur Gudnadóttir est la plus mise en avant : chacun se conclut dans une longue séquence musicale. L’une des plus marquantes est certainement celle des plongeurs s’aventurant sous le cœur explosé du réacteur pour y pomper l’eau qui s’est accumulée dans les souterrains, cherchant à éviter une deuxième explosion catastrophique. "Aux différents paliers de radiations dans les eaux infectées, vous pouvez entendre le compteur Geiger qui s’impose de plus en plus, toujours plus fort. Quand leurs lumières s’éteignent, il n’y a plus que ce son pour accompagner les dernières secondes de l’épisode, alors que le spectateur et les plongeurs se retrouvent plongés dans le noir."
Le créateur de Chernobyl demande aux fans de se montrer respectueux sur InstagramLa musique a été en partie composée avant même que le tournage ne commence. Tout ce processus de création avec les sons et les atmosphères enregistrés a commencé dans les débuts de la production, en parallèle avec l’écriture et la production de la série. Une technique que Gudnadóttir a également utilisé pour son travail sur Joker, qui revient sur la genèse du super-vilain emblématique. "Pour Chernobyl et Joker, j’ai commencé très tôt le processus de création. Avoir la musique en amont permet de mieux concevoir les émotions des personnages, ça aide toutes les équipes qui sont sur le projet."
Une manière de créer qui évite d’avoir à utiliser des partitions temporaires, souvent issues de musiques d’autres films pour inspirer les diverses équipes, du scénario au tournage en passant par la création des story-boards. Une habitude qui peut avoir ses inconvénients pour le compositeur : "Pour moi, l’idée d’imiter ou d’essayer de s’accorder sur la musique de quelqu’un d’autre est très restreignant sur le plan créatif. C’est bien plus épanouissant d’avoir une partition avant le tournage, il y a alors un vrai échange entre tous les créatifs qui travaillent sur l’œuvre finale."
En l’occurrence, la musique de Chernobyl s’articule autour de deux thèmes. Le premier représente la catastrophe, autant sur le plan environnemental qu’humain. Le deuxième, plus sentimental, tourne autour du deuil, du sacrifice humain et de l’erreur humaine. Le tout pour une partition qui aura suffisamment retenu l’attention du jury des Emmy Awards, puisque valant une nomination à Hildur Gudnadóttir.
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