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Quand il ne tient pas la tête d’affiche de ses films, Woody Allen choisit en général un avatar pour le remplacer, un alter-ego qui peut, selon l’humeur, avoir la tête de Kenneth Branagh (Celebrity) ou de Scarlett Johansson (Scoop). C’est aujourd’hui Wallace Shawn qui s’y colle. On pourra voir dans ce choix de casting soit la promotion d’un vieux compagnon de route (Shawn a tenu des seconds rôles dans une demi-douzaine de films d’Allen depuis Manhattan, en 79), soit, plus vraisemblablement, la confirmation que peu de stars d’envergure se risquent aujourd’hui à travailler avec le cinéaste new-yorkais… Tourné en Espagne en 2019, Rifkin’s Festival raconte le voyage d’un ancien prof de cinéma, Mort Rifkin, qui accompagne sa femme attachée de presse (Gina Gershon) au festival de Saint-Sébastien, où elle va s’amouracher d’un réalisateur français bellâtre et pédant joué par Louis Garrel… Le marivaudage qui s’ensuit est plutôt quelconque, sans grâce, entrecoupé de séquences lourdaudes où les personnages rejouent des classiques du cinéma (une très mauvaise idée, sauf quand Christoph Waltz débarque dans le costume de la Mort du Septième Sceau pour recommander à Rifkin de manger équilibré). Cette impression de pilotage automatique n’empêche pas Rifkin’s Festival d’être régulièrement dynamité par des saillies teigneuses, vachardes, parfois marrantes, souvent amères, sur le petit monde du septième art. Derrière la jolie carte postale aux teintes mordorées, envoyée depuis l’office de tourisme, couvent une humeur crépusculaire, et beaucoup d’idées noires.