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Produire une saison de série télé par an, seuls les Américains savaient le faire. Eric Rochant nous explique comment il a réussi à dégoupiller la saison 2 du Bureau des légendes un an tout rond après la première.
 

1. En avoir envie
« Dès le départ, le deal du Bureau des légendes était de se donner les moyens de faire une saison par an. Je suis « sériephile », je regarde désormais autant de séries que de films, je sais donc qu’en tant que spectateur, il n’est pas vraiment concevable de devoir attendre deux ans entre chaque saison. C’est très frustrant. Mais c’est aussi très dangereux économiquement. En France, on n’a pas du tout l’habitude de travailler comme ça, donc il a fallu s’organiser. Ça m’intéressait d’inventer de nouveaux outils, de nouveaux process. C’était un vrai défi industriel. »

2. Bosser comme un chien
« Quand je travaillais sur Mafiosa, j’écrivais et réalisais tous les épisodes. Forcément, c’était impossible de tenir le rythme d’une saison par an. Pour Le Bureau des légendes, le secret est de faire deux saisons en parallèle. Du coup, je n’ai plus de vie, mais c’est le prix à payer ! Là, juste avant cette interview, j’étais en train de travailler au mixage de l’épisode 8 de la nouvelle saison. Tout en bossant sur l’écriture de l’épisode 3 de la suivante. J’angoisse un peu, d’ailleurs, car nous avons pris du retard. Et encore, ça va, nous ne sommes pas en tournage, donc c’est une période calme… »

3. S’inspirer des Américains
« La France a été, avec l’Italie, le paradis du cinéma d’auteur. Mais la notion d’auteur a été complètement renouvelée par les séries américaines. Les auteurs tout puissants, aujourd’hui, ce sont les showrunners. Payés très cher, ayant la main sur tout... Ils se sont même approprié des choses qui ne leur appartenaient pas historiquement : le style, l’image et la réalisation. Le showrunner est un auteur qui produit. Importer cette notion en France est très séduisant. Mais attention : il faut que le processus industriel suive. Sinon cela n’a pas de sens. »

4. Ecrire avec ses tripes
« Quand j’ai commencé à faire du cinéma, mes modèles étaient Sergio Leone, Sidney Lumet ou Michael Mann. Aujourd’hui, ils s’appellent David Chase, David Simon et Aaron Sorkin. Ce qui m’a le plus fasciné me vient de Todd Kessler, le showrunner de Damages et Bloodline. Je n’y connaissais pas grand-chose en séries. Il m’a expliqué que lorsqu’on pitche son projet à une chaîne, la première chose que l’on vous demande est pourquoi vous pensez être le meilleur pour le porter. Pourquoi vous y êtes viscéralement attaché. Ça m’a impressionné. Cela veut dire que dans ce processus industriel, on n’est pas forcément un mercenaire. Il faut mettre ses tripes sur la table. »

5. Déléguer
« Déléguer, c’est non seulement important, mais aussi très agréable parce que l’on rencontre du monde. Je n’ai jamais autant parlé mise en scène qu’en travaillant sur Le Bureau des légendes, par exemple. J’échange quotidiennement avec d’autres réalisateurs, ça ne m’était jamais arrivé. Ils doivent trouver l’équilibre entre la posture du technicien et celle de l’artiste. Savoir n’est pas évident en France. Du côté des scénaristes, il faut trouver des personnes avec qui l’on parle le même langage. L’idée est que tout ça fasse école et que le processus créatif prenne son autonomie. Que la série puisse continuer un jour sans moi. Et que d’autres diffuseurs – pas seulement Canal+ – l’appliquent à leurs séries. »

Le Bureau des légendes saison 2 arrive ce soir sur Canal+.