La création originale France 2 tend un miroir aussi cruel qu’empathique à l’industrie du 7e art.
On pourrait se contenter d’apprécier Dix pour cent pour ce qu’elle est d’abord : une série française très bien écrite, drôle et impétueuse, vulgaire et poétique, à la fois extrêmement réaliste et souvent fantasmatique, aussi pertinente dans le portrait de groupe que dans les trajectoires individuelles. Une œuvre qui a beaucoup de choses universelles à dire, sur l’être humain, la vie au travail, l’amour ou l’amitié, mais qui sonde comme jamais un univers singulier : celui du cinéma français. Et qui réussit aussi bien sur les deux tableaux.
Burlesque et poésie
La saison 2, qui se terminera ce soir sur France 2, creuse logiquement les arcs narratifs de chacun des personnages qui gagnent en nuances et obtiennent tous la place qu’ils méritent. On espérait forcément plus d’Hervé, l’assistant drama queen de Gabriel incarné par Nicolas Maury, dont le talent burlesque atteint des sommets - on est servis. Ce qu’il fait face à Ramzy Bedia dans le premier épisode, ou quand il se métamorphose en accusateur trahi dans le cinquième est carrément dément. Andrea Martel (Camille Cottin), monstre de détermination, s’adoucit un peu au contact de sa maîtresse mais, surtout, de Fabrice Luchini, guest du deuxième épisode, avec qui elle partage quelques scènes sublimes de poésie et (étonnamment) de sobriété. Même Arlette (Liliane Rovère) prend de l’épaisseur, dans un épisode joliment mélancolique avec Guy Marchand. L’intrigue de groupe, celle qui concerne ASK et son avenir, est moins convaincante, avec l’apparition d’un personnage de jeune loup de la finance qui fait un hold up sur l’agence et y importe les méthodes brutales du management à l’anglo-saxonne – une caricature un peu lourde qui permet quand même d’évoquer la tyrannie aveugle de l’entreprise et les dégâts humains que peut causer la mauvaise gestion des ressources humaines…
Déclaration d'amour
Mais c’est surtout sur le cinéma français que Dix pour cent déborde de choses à dire. L’encadrement du salaire des acteurs, le pouvoir de nuisance de Promouvoir, le diktat des chaînes de télé dans le financement des films, la place des femmes dans l’industrie, la manipulation de la presse, la souffrance des artistes dans le processus… La saison 2 va plus loin que la première, qui abordait surtout les caprices des stars et l’humanité fragile des acteurs et actrices, en élargissant la focale à l’ensemble du paysage cinématographique – des passages en commission au festival de Cannes. Sans jamais verser dans la naïveté ou dans la moralisation lourdingue et avec une verve d’une constance rare, Fanny Herrero parvient à regarder ce monde étrange du 7e art, entre paillettes et profondeurs métaphysiques, processus créatif et cynisme financier, avec une rare lucidité – qui n’entame en rien cette jolie déclaration d’amour. « C’est pas la vraie vie tout ça ma chérie » dit Annick à sa fille Camille. Qui répond « C’est quoi la vraie vie ? Eux aussi c’est des vrais gens avec une vraie vie. C’est pas la même que nous, c’est tout ». Et c’est pour ça qu’elle garde intact son pouvoir de fascination.
Dix pour cent : le casting nous présente la saison 2
La saison 2 de Dix pour cent se termine ce soir sur France 2.
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