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The People Vs O.J. Simpson est à ranger entre The Social Network et Le Loup de Wall Street.

Que savait-on, en France, de l’affaire O.J. Simpson ? On se souvient de la retransmission télé de la fugue motorisée de l’ex-star du football US (alias Nordberg, détective demeuré de la série Y a-t-il un flic ?), pourchassé à longueur de freeway par la police de Los Angeles et les caméras héliportées des chaînes info. En ce jour de juin 1994, le doute n’était pas permis : le « Juice » avait bien l’air coupable du double meurtre (au couteau) dont on l’accusait, celui de son ex-femme, Nicole Brown, et de l’amant éphémère de celle-ci, Ron Goldman. On se rappelle le verdict, un an plus tard, qui plongea l’Amérique en émoi, démonstration hypermédiatique de l’immunité scandaleuse dont jouissent les gens riches et célèbres. Le premier effet du raz-de-marée American Crime Story : The People v. O.J. Simpson (phénomène de société aux États-Unis, vingt ans après les faits) consiste à établir qu’on ne savait rien. Rien de rien. À l’époque, par exemple, beaucoup d’Américains refusaient de voir chez cet homme recroquevillé sur la banquette arrière de la Ford Bronco, poursuivi par les flics du comté, un coupable. Trois ans après le tabassage de Rodney King et les émeutes anti-LAPD qui mirent la ville à feu et à sang, « Orange Juice » Simpson, pour la moitié noire du pays, ressemblait à un innocent tentant d’échapper à un système corrompu, une victime de plus de la persécution exercée par la police blanche. Dès lors, le cirque a débarqué...

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Le pilote de la série décrète que ce bouillon info-spectacle explosif mérite le même traitement tabloïd que l’affaire en son temps. Marcia Clark (Sarah Paulson), l’avocate de l’accusation, se lèche les babines face à l’abondance de preuves. Les (petites) Kardashian apparaissent toutes à l’écran, car leur père Robert (David Schwimmer) est impliqué dans la procédure. John Travolta, lui, donne une version tellement over the top de l’avocat des stars, Robert Shapiro, qu’il semble auditionner pour le Saturday Night Live. L’angle putassier choisi identifie clairement l’affaire Simpson comme le point d’origine de la pipolisation de la culture, l’acte de naissance du monde médiatico-cinglé dans lequel on vit. Et pourquoi pas ? L’épisode 2, consacré à la poursuite sur l’autoroute, va plus loin, suggérant que c’est l’Amérique toute entière (ses divisions raciales, son système de classes, son goût du précipice) dont on s’apprête à faire le procès. Tout prend corps au troisième épisode avec l’arrivée, côté défense, de l’avocat-prédicateur Johnny Cochran (Courtney B. Vance). Et tous les protagonistes de réaliser soudain que la bataille à livrer sera une bataille d’image, qu’ils y soient préparés ou non.

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Le Bûcher des vanités, alors ? Oui mais pour de vrai, et en direct live. Discursive, chirurgicale, la série épluche une à une les strates d’un mille-feuilles sociétal aux ramifications si juteuses et si profondes qu’elles résonnent encore avec la même fureur stridente, vingt ans après. La fixette sur les cheveux de Marcia, le pouvoir de suggestion du mot « nigger », l’élimination stratégique des jurés, la « comédie » de l’essayage de gants... Vous ne croirez pas ce que vous voyez. Et ne résisterez pas à la tentation d’aller vérifier que tout est vrai, et donc retranscrit à l’écran avec une maestria diabolique. The People v. O.J. Simpson est la première série à fact checker aussitôt l’épisode terminé. Soudain, tout fait sens. Travolta, en fin de compte, n’était pas too much. Sur cette échelle de la comédie humaine, il tient le bout le plus exposé de la farce. Le menton levé, la « démarche Robocop », il livre la performance de sa vie, conscient, comme les autres (Schwimmer, Vance, Bruce Greenwood, Nathan Lane, Sarah Paulson, devenue sujet d’obsession), de traverser des scènes dramatiquement électriques, à géométrie variable, telles qu’on n’en voit plus au cinéma. Signée des rois du biopic de losers, Scott Alexander et Larry Karaszewski (Ed Wood, Larry Flynt), The People v. O.J. Simpson est leur Dr Folamour. Leur sommet burlesque. Un grand spécimen de film américain contemporain, à ranger entre The Social Network et Le Loup de Wall Street. Série de l’année, ça va sans dire.

American Crime Story : The People Vs OJ Simpson est diffusé à partir de ce soir 21h sur Canal+.