L’acteur Marvel revient sur son incarnation de Donald Trump dans The Apprentice.
Bucky joue Trump ! L'acteur Marvel incarne Donald Jr. avant qu'il ne devienne le magnat des affaires et l'homme politique qu’on connaît aujourd'hui. The Apprentice retrace en effet la montée en puissance de Trump à la fin des années 70 et dans les années 80 sous la tutelle de son mentor, le célèbre avocat Roy Cohn (génialement interprété par Jeremy Strong). En mettant à nu la personnalité des deux hommes, Sebastian Stan, Strong et le réalisateur Ali Abbasi ne signent pas un film politique, ni une revanche hollywoodienne contre le dictateur républicain. Ils souhaitent proposer une version humaine du personnage pour que le public en ressorte avec une meilleure compréhension de l'ex Président, mais aussi d'eux-mêmes : "En tant qu’artiste, on doit explorer la part humaine des gens, sonder leur âme et ainsi mieux comprendre les mécanismes qui nous poussent à faire telle ou telle chose."
Entretien avec un acteur très... dégagé.
Quelle a été votre réaction lorsque vous avez eu le scénario entre les mains ?
Je l'ai reçu en 2019. Une autre époque, si vous pensez à tout ce qui s'est passé depuis… Je connaissais Ali Abassi, dont j’appréciais le travail, et j'ai tout de suite pensé que ce serait intéressant d'avoir le point de vue d’un artiste comme lui - ses origines iraniennes, son statut de cinéaste européen - sur une histoire si américaine. Quand j’ai commencé la lecture, j’ai décidé de rayer les noms. J'ai rayé Donald Trump, rayé Roy Cohn. Mon idée était simple : je voulais découvrir ce script sans savoir de qui il s'agissait. Et ce fut révélateur. Ainsi anonymisée, cette histoire m'a rappelé des films comme Midnight Cowboy ou Le Parrain, et particulièrement Le Parrain II. Parce que j'avais l'impression de voir un homme se débarrasser de son humanité et se transformer en statue de pierre. C’est un film sur le rêve américain, sur ce qu’il a signifié et ce qu’il signifie encore. Et raconté par Ali, je sentais qu’il y avait quelque chose à creuser.
Vous n’avez jamais hésité ?
Au début je n’étais pas sûr de moi. Mais quand je demandais autour de moi si je devais y aller, les réponses étaient variées. C’est là que j'ai réalisé que tout n'était pas noir ou blanc. Que c’était complexe. Et du coup, ça valait la peine d’être tenté. Mais, on était en 2019 ! Et je n'ai pas eu de nouvelles d'Ali avant 2022. Entretemps, beaucoup de choses s’étaient produites. La pandémie, le 6 janvier (2021, date de l'assaut du Capitole, ndlr)… En 2022, on a essayé de lancer la production du film. Mais il a fallu plus d’un an pour qu’on puisse finalement tourner The Apprentice. A plusieurs reprises, le film était sur les rails et puis pour une raison ou une autre, tout s’arrêtait… Et à chaque fois, la même question revenait : « mais pourquoi est-ce que je me suis embarqué dans un truc pareil ? »
Vous aviez peur ?
Je ne sais pas, mais en tout cas, je ne pouvais pas renoncer par crainte ou parce que je redoutais quelque chose… Si The Apprentice ne devait pas se faire, ça ne devait pas être à cause de moi, à cause de mes appréhensions.
Qu'est-ce qui, au fond, vous a poussé à jouer ce rôle ? Est-ce qu’il y avait une motivation politique ?
Non. J’ai accepté de jouer Trump pour les mêmes raisons que j’ai accepté de jouer Bucky Barnes ou Tommy Lee. Ce qui me motive toujours c’est de comprendre l’humain. On ne peut pas oublier la dimension politique du personnage, mais mon rôle en tant qu’artiste c’est d’explorer l'humanité sous toutes ses formes. Celle que nous avons, mais aussi celle qui nous manque ou celle qu’on a perdu. A mes yeux, c'était la seule façon d'aborder ce sujet et ce personnage.
Pourquoi ?
Parce qu'il a déjà été scruté sous tous les angles, mais jamais du point de vue humain. C’est très facile de parler de lui comme s'il s'agissait d'une entité spécifique, différente. Mais c’est faux. On a choisi de le rendre presque normal pour mieux le comprendre.
Vous espérez faire oublier l’aspect politique du film, mais l’élection présidentielle se profile. Est-ce que The Apprentice ne va pas être rattrapé par le calendrier ?
Tout le monde aura un point de vue différent sur le film. Certains penseront qu’on ne l’humanise pas, d’autres y verront un agenda politique… On s’est posés beaucoup de questions. Mais soyons clairs : ça n’a jamais été stratégique. On a pensé The Apprentice au jour le jour ; on l’a terminé à la fin du mois de janvier et cinq mois plus tard nous étions à Cannes, ce qui était inimaginable…
Vous savez si Donald Trump a vu le film ?
Je n’en sais rien. Mais je pense que si c’était le cas on le saurait. Ali a forcément proposé de lui montré…
Comment êtes-vous rentré dans ce rôle ? Quelles étaient vos inspirations ? On a un peu pensé à Brett Easton Ellis, notamment pour la description du New-York 80s et pour la relation vampirique entre Cohn et Trump.
BEE m’avait échappé ! Mais c’est une théorie intéressante. Récemment, beaucoup de gens m’ont parlé de Gordon Gekko dans le premier Wall Street. Ca ne m’étais pas venu à l’esprit non plus, mais je me dis maintenant que ce n’est pas idiot. En réalité, je me suis inspiré de plusieurs interviews qu’il a donné. Dont une de 1978 où il parle de son parcours. La journaliste lui demande à un moment ce qu’il ferait s’il devait choisir entre l’amour ou la réussite professionnelle. Et il répond… l’amour. Au vu de son parcours c’est vraiment très surprenant ! Dès le début, je me suis replongé dans les archives de l'époque. J'ai essayé d'en savoir le plus possible sur l'école militaire, sur son père, sur la manière dont il avait été éduqué. Tout est en ligne et ce travail m’a permis de trouver l'équilibre entre ce que nous voyons aujourd'hui et ce qui se passait à l'époque. Regardez ! C’est assez incroyable parce qu'il était en fait beaucoup plus articulé et qu'il communiquait beaucoup mieux. Au début des 80s, il faisait la couverture de GQ et on apprenait qu’il avait été le premier à embaucher des femmes à la Trump Tower ! Tout cela est à portée de main, à un clic, et ça donne une version plus nuancée du personnage.
The Apprentice, d'Ali Abbasi, avec Sebastian Stan, Jeremy Strong, Iona Rose MacKay… Durée 2 h. Sortie le 9 octobre 2024.
Cannes 2024: The Apprentice, vu par Sebastian Stan et Ali Abbasi
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